Le flex office et ses conséquences potentielles à l’échelle urbaine

Rédigé par

Communication Kardham

Communication

3129 France - Dernière modification le 30/05/2023 - 12:00
Le flex office et ses conséquences potentielles à l’échelle urbaine


Le développement du flex office en contexte de généralisation du télétravail questionne le devenir de nombreux mètres carrés de bureaux. Avec des objectifs de réduction des surfaces de bureaux, on peut s’interroger sur la recomposition d’une géographie de bureaux sous l’angle du rapport centre/périphérie puisque la recherche de centralité est une attente forte des salariés.

Si le flex office est souvent évoqué par des sciences de gestion, nous l’interrogeons ici par la géographie. La recherche d’optimisation du mètre carré, de bureaux par une logique de partage des espaces et des postes peut engendrer une réaction en chaîne de la géographie de bureaux à l’échelle urbaine.   

Le développement du flex office à l’heure du télétravail  

Le flex office est un concept spatial qui se traduit par un partage des postes de travail avec le plus souvent une réduction associée à une réallocation des mètres carrés au profit d’espaces à vocation collective. En ce sens, le flex office est une réponse à la moindre fréquentation des lieux de travail en contexte de développement du télétravail pour deux raisons principalement. D’une part, il optimise la ressource immobilière par une réflexion sur l’utilisation des mètres carrés. D’autre part, il répond aux nouveaux modes de travail et nouveaux usages moins articulés qu’auparavant sur les tâches purement individuelles¹.

Mais avec le développement du flex office et la réduction des surfaces, de potentielles conséquences se jouent à l’échelle urbaine. En effet, le télétravail conduit à repenser les environnements de travail d’abord sous l’angle financier du fait de la sous-utilisation de nombreux mètres carrés². Dès 2020, l’IEIF avançait l’hypothèse qu’avec deux jours de télétravail pour 40 % des entreprises, près d’un tiers des mètres carrés de bureaux en Île-de-France pourraient se libérer, soit plus de 3 millions de mètres carrés³, le travail étant devenu hybride et multispatial pour de nombreux travailleurs de bureaux⁴. Le flex office est donc directement lié aux évolutions des cadres généraux du travail de bureaux et apparait plus que jamais comme une solution spatiale adaptée au monde post-Covid⁵. Un même mètre carré peut alors avoir des usages variés.  

Moins de mètres carrés mais mieux situés

Avec un besoin moindre de mètres carrés, une organisation a désormais plus de facilité à choisir une localisation plus favorable, plus centrale et mieux accessible au détriment d’une localisation moins favorable, potentiellement moins centrale. Par la centralité, nous entendons les localisations qui polarisent un espace plus ou moins grand et qui bénéficient d’une forte valeur immatérielle⁶. Il existe donc des centralités au sein d’un même territoire et le QCA ou La Défense sont des centralités. En outre, l’émergence de nouveaux quartiers d’affaires à la faveur du déploiement de nouvelles accessibilités en transports peut contribuer à créer de nouvelles centralités plus secondaires. Les localisations centrales sont reconnues pour leurs multiples vertus. Un lieu de travail accessible dans un quartier qui présente des aménités est attractif et, dans un contexte tendu en matière de recrutement, la localisation est importante.

Avec le développement du travail nomade, un lieu de travail central offre également une expérience plus fluide aux travailleurs qui souhaitent davantage gérer de manière autonome leur espace-temps de travail vii. Enfin, une localisation plus centrale véhicule aussi, par l’adresse, des positivités immatérielles au bénéfice de l’entreprise. Mais paradoxalement, tandis que le télétravail se développe, les utilisateurs sont plus exigeants encore concernant leur lieu de travail, duquel ils attendent d’être à la fois une centralité au sens géographique du terme mais également au sens social⁷. Des études ont souligné que l’attachement au lieu de travail favorisait fortement les comportements de citoyenneté organisationnelle⁸.  

Le développement du télétravail et le déploiement du flex office questionnent également les parcs immobiliers d’une même entreprise avec une réflexion autour de la sélection de certains sites au détriment d’autres et la densification des sites retenus. Si ces logiques ont toujours existé dans un objectif de rationalisation des parcs immobiliers, le télétravail les renforce et là encore, la tentation de cibler des localisations centrales est forte du fait de l’ensemble des bénéfices induits, au détriment d’immeubles moins attractifs. Nuançons toutefois le propos puisque pour des raisons de coûts, des entreprises ont aussi le choix de localisations périphériques en flex office, avec un intérêt financier certain mais avec des risques importants en termes de ressources humaines, sans doute moins pour le secteur public que privé.  

Un marché de l’emploi francilien tourné vers l’hypercentre 

Ce désir de centralité n’a rien de nouveau et est probablement renforcé par le marché de l’emploi tourné vers l’hypercentre de l’Île-de-France. Paris Ouest, qui compte en 2021 près de 50 % de salariés de plus que de résidents, concentre 14 % de l’ensemble des emplois salariés franciliens alors que sa superficie ne représente que 0,2 % de la superficie totale de la région. D’après nos calculs⁹, si l’on ne parle que des activités les plus rémunéréesxii, il faudrait que sept à neuf salariés sur dix déménagent pour obtenir une densité d’emplois similaire à Paris Ouest dans les autres zones d’Île-de-France. Paris Ouest n’est la chasse gardée d’aucun secteur. Il est plébiscité par tous mais ce sont les activités à plus forte valeur ajoutée qui sont les plus promptes à s’y installer, notamment du fait du prix des loyers. Ce quartier des affaires est un haut lieu stratégique de localisation par sa remarquable connexion en transports, pléthore d’aménités urbaines et son image rayonnante à échelle mondiale. Il n’a pas d’équivalent en France ni même dans l’Union européenne et n’a en ce sens pas fini d’attirer les entreprises les plus globalisées en son sein. Dans un hypercentre aux loyers élevés, le flex office apparaît comme une solution pertinente.   

Les conséquences potentielles du déploiement du flex office  

À court terme, le risque est celui de l’augmentation de la vacance car des organisations peuvent réduire leurs surfaces en restant dans un même immeuble, ou choisir de partir pour les raisons évoquées précédemment. À court terme toujours, la tentation de renégocier un bail dans un contexte où l’utilisateur bénéficie d’un rapport de force favorable est réelle. Dans tous les cas, le propriétaire-bailleur d’un actif « mal situé » n’est pas dans une situation de négociation des plus confortables dans le monde post-Covid.
 
À moyen terme, la question de la requalification d’un actif non central se pose avec l’objectif de le rendre à nouveau attractif. Un immeuble réhabilité et/ou réaménagé selon des standards plus qualitatifs est naturellement plus attractif. Seulement, des enquêtes ont mis en évidence le fait que, s’ils avaient à choisir, les travailleurs préfèreraient un immeuble peu qualitatif mais bien situé que le contraire¹⁰. Les dépenses nécessaires à la requalification d’un immeuble de bureaux deviennent alors problématiques avec de la vacance et un rapport de force défavorable au propriétaire. À plus forte raison dans un contexte où le décret tertiaire prévoit de lourdes dépenses afin de respecter le cadre réglementaire, le retour sur investissement de dépenses opérées sur des actifs peu favorablement situés devient clairement aléatoire, voire impossible. Dès lors, l’équation se complique dans un monde post-Covid, dans lequel le besoin de mètres carrés est moindre. Dans ces conditions, le risque est fort d’investir dans la modernisation d’immeubles moins attractifs qu’auparavant, donc moins rentables.   

La question environnementale est au cœur des problématiques de l’immobilier de bureaux et là encore, le télétravail a bousculé les équilibres. Dans le même temps, le décret tertiaire impose de perfectionner les immeubles de bureaux dans leur dimension environnementale et de l’autre, la sous-occupation des bureaux, notamment, avec de vrais creux au cours de la semaine, contraint les entreprises à gaspiller une partie de l’énergie, estimée à 17 euros par mètre carré annuel¹¹. À l’heure de l’explosion des coûts énergétiques, ce gaspillage pose légitimement question. Le flex office qui, rappelons-le, cherche à optimiser l’usage des mètres carrés par le partage et la réallocation de surfaces notamment à des fins collaboratives, peut alors être vu comme une solution tout à fait rationnelle compte-tenu de ces contraintes. Le flex office, c’est donc aussi essayer de faire aussi bien voire mieux avec moins de mètres carrés.  

Si l’on dresse de manière un peu caricaturale le portrait-robot de l’immeuble tertiaire condamné à disparaître, ce peut être celui qui n’est pas idéalement situé, mal accessible, dans un quartier aux faibles aménités, qui mériterait une réhabilitation lourde et un réaménagement. Dans un contexte où les vertus associées à la centralité ont une forte valeur pour les organisations, l’inverse est également exact pour les négativités associées à ce type d’immeuble. Que deviendraient alors des immeubles pour lesquels les propriétaires auraient statué sur un impossible retour sur investissement ? À partir du constat d’un manque de logements dans les grandes aires métropolitaines, une piste de valorisation des actifs immobiliers tertiaires par la reconversion en logements, quoique sujette à de nombreux obstacles, est particulièrement intéressante¹². On peut sur ce point penser le sujet par la dimension foncière avec de potentielles libérations de foncier du fait de l’abandon de certains immeubles de bureaux. Dans ce cas, on peut penser que des friches nouvelles vont se développer, mais également envisager leur rapide valorisation, de surcroît à travers les perspectives de la ZAN (Zéro Artificialisation Nette). Si l’immeuble de bureaux désuet voit sa valeur chuter considérablement, le terrain sur lequel il est situé peut au contraire avoir de la valeur.  

Une recomposition darwinienne de la géographie de bureaux 

D’une certaine manière, le développement du télétravail dans un monde post-Covid peut potentiellement provoquer une réaction en chaîne avec des effets à plusieurs niveaux, depuis l’échelle très locale de l’immeuble ou du quartier de bureaux jusqu’à l’échelle métropolitaine. Le télétravail et le déploiement des espaces de travail partagés sont donc potentiellement à l’origine d’une redéfinition de la géographie des bureaux dans les grandes aires métropolitaines, notamment en Île-de-France. Le télétravail et ses conséquences en termes de surfaces de bureaux et de localisations peuvent alors relever d’une logique darwinienne, par définition favorable aux plus forts et défavorables aux plus faibles. Dans ces conditions générales, les risques existent bel et bien pour les propriétaires d’immeubles de bureaux de voir des actifs devenir répulsifs et inoccupés au profit d’autres actifs très attractifs et bénéficiant d’une forte demande, creusant ainsi fortement les écarts de rentabilité. 

La géographie de bureaux des grandes aires métropolitaines est alors en cours de recomposition et l’attentisme des lendemains immédiats de la crise sanitaire a désormais fait place à des stratégies très claires de diminution des mètres carrés à l’échelle d’une entreprise. Dans ce cas, le flex office est souvent privilégié et amène à penser plus que jamais les stratégies de localisation au prisme du couple centre/périphérie avec l’équation suivante : moins de mètres carrés mais mieux conçus, mieux utilisés et mieux situés.  


 Un article co-signé Nicolas Cochard et Mathieu Obertelli, Kardham 


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Modérateur

Lilou Le Gal