« Le développement des gaz verts est fondamental pour réussir une transition énergétique juste »

Rédigé par

Amandine Martinet - Construction21

Journaliste

1539 France - Dernière modification le 17/05/2023 - 11:16
« Le développement des gaz verts est fondamental pour réussir une transition énergétique juste »

 


Parole à Jean-Charles Colas-Roy, nouveau Président de l’association Coénove, rassemblant plusieurs acteurs majeurs de l’efficacité énergétique dans le secteur du bâtiment. Il nous livre sa vision du mix énergétique français et de la place souhaitable que doivent y occuper les gaz décarbonés à son sens. Entretien.

Construction21 : Vous présidez l’association Coénove depuis le 14 mars dernier. Qu’est-ce que cela représente pour vous, et comment s’est déroulée votre prise de fonctions ? 

Jean-Charles Colas-Roy : Coénove est une association créée en 2014 qui fédère les acteurs de l’énergie investis dans l’efficacité énergétique et dans le gaz, de plus en plus renouvelable, dans le secteur du bâtiment. Notre conviction est que la complémentarité des énergies décarbonées garantira la neutralité carbone et la résilience du système énergétique français.

Je suis heureux de succéder à Bernard Aulagne à la Présidence de l’association et je compte me placer dans la continuité de son action, tout en apportant un regard complémentaire issu de mon expérience d’ancien parlementaire spécialiste des questions de transition énergétiques.


Quels sont les premiers grands chantiers auxquels vous comptez vous attaquer en ce début de présidence ? 

En tant que Président, mon rôle est de fédérer les membres de notre association, développer nos partenariats et accompagner l’évolution d’une filière qui innove, qui se verdit et qui apporte de nombreuses solutions concrètes pour la décarbonation progressive du secteur du bâtiment.
En 2023, Coénove se mobilise sur de nombreux dossiers en défendant l’importance de la complémentarité des vecteurs énergétiques et la nécessité d’accélérer fortement le développement du biogaz dans le cadre des discussions sur la future PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie). Nous défendons par exemple un doublement de l’ambition de développement des gaz verts avec un objectif de 20% de biogaz dans la consommation en 2030.


Aujourd’hui, le gaz est au cœur de tous les débats en France. Quelles sont vos convictions sur le sujet ? Quelle place peut prendre cette ressource dans la transition énergétique du pays ? 

Pour Coénove, le gaz, progressivement renouvelable, sera un vecteur indispensable à la réussite de la transition énergétique.

Dans le secteur du bâtiment, la contribution du gaz à la neutralité carbone est accessible d'ici 2050 si l’on mène à bien 3 grands chantiers :

  • La diminution drastique des consommations, notamment grâce aux efforts de sobriété, d’efficacité énergétique et de rénovation des bâtiments.
  • Le verdissement du gaz pour atteindre en 2050 une consommation couverte à 100% par des gaz verts, produits en France.
  • Le développement accéléré de l’hybridation des systèmes (solaire/gaz, PAC hybride…) afin d’allier le meilleur des « deux mondes », c’est-à-dire l’électron décarboné et la molécule de gaz qui se verdit.

Le gaz est une énergie du quotidien des Français, utilisée par plus de 11 millions de ménages. Alors même que le gaz se verdit, il serait aberrant de vouloir se passer, dans le secteur du bâtiment, d’une ressource stockable et à terme totalement renouvelable et produite en France.


Sur la rénovation énergétique des bâtis notamment, le gaz a-t-il toujours toute sa place ? 

La priorité est à l’accélération de la rénovation globale et performante des bâtiments, car nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire. Il faut absolument baisser les déperditions pour dimensionner ensuite au plus juste les modes de chauffage.

Avec son verdissement progressif le gaz vert est un vecteur de solutions pour la décarbonation et la flexibilité de notre système énergétique.

La moitié de notre parc de chaudières, soit près de 6 millions d’appareils, peut encore être converti vers la THPE (Très Haute Performance Energétique) avec des gains immédiats de 30% en consommation et en baisse des émissions de gaz à effet de serre. En passant à l’hybridation, nous pouvons atteindre 70% d’optimisation. Nous demandons aux pouvoirs publics de renforcer le soutien pour le développement de ces solutions performantes.

Pour conclure, à notre sens, le gaz n’est pas un problème dans le secteur du bâtiment. Avec son verdissement progressif, c’est un contraire un vecteur de solutions pour la décarbonation et la flexibilité de notre système énergétique.


Les gaz verts représentent donc l’avenir du gaz en France ? 

Il nous faut sortir progressivement des énergies fossiles et le développement des gaz verts est donc fondamental pour réussir une transition énergétique juste, acceptable et soutenable pour le pouvoir d’achat des ménages et pour nos finances publiques.

Les gaz verts sont aujourd’hui majoritairement produits par les méthaniseurs qui utilisent des déchets principalement issus du secteur agricole. D’autres procédés innovants se développent comme la pyrogazéification, à partir de déchets de bois ou solides, ou comme la gazéification hydrothermale, pour les déchets humides.

D’après plusieurs études de la filière, la production française de ces gaz verts pourrait atteindre 320 TWh d’ici 2050, soit davantage que la consommation projetée de gaz, avec les réductions de consommation envisagées d’ici cette date.

Le potentiel de production de gaz verts, bas carbone et renouvelable en France est donc présent et ces technologies méritent d’être soutenues. Ce serait un vrai atout pour notre pays d’atteindre l’autonomie énergétique dans ce domaine car cette énergie est stockable, renouvelable et produite en France par des emplois non délocalisables.


Plus largement, quel est votre avis sur le mix énergétique français et la place qu’y occupent les énergies renouvelables ? 

En France, lorsque l’on parle d’énergie, le débat se focalise trop souvent sur le sujet du nucléaire et on oublie de parler des autres modes de production. De mon avis, il faut certes développer le nucléaire et les énergies renouvelables électriques, mais aussi l’ensemble des autres vecteurs énergétiques dont la chaleur renouvelable et bien sûr le biogaz.

Pour la France, le développement des réseaux, la diversification des modes de production et la complémentarité des énergies sont des enjeux centraux pour les 30 ans qui viennent, afin de ne pas être dépendants d’une seule technologie ou d’un seul vecteur.


Etes-vous optimiste quant à l’atteinte de la neutralité carbone dans le secteur du bâtiment ? Quels sont les leviers principaux pour y parvenir selon vous ? 

Dans le secteur du bâtiment, voici ce que nous considérons être les priorités d’action pour une transition réussie :

  • Rénovation globale
  • Sortie du fioul
  • Verdissement du gaz et complémentarité des énergies.

Près de 6 millions de chaudières peuvent encore être « upgradées » en passant à la THPE (Très Haute Performance Énergétique). L’hybridation des systèmes peut ensuite nous permettre d’aller encore plus loin en associant, après une rénovation globale, une PAC électrique justement dimensionnée à une chaudière au gaz performante. Nous avons alors les atouts de l’électricité française fortement décarbonée associée aux avantages du gaz progressivement produit en France et renouvelable. L’électron décarboné et la molécule verdie se combinent pour contribuer à la transition énergétique du secteur du bâtiment, avec des capacités de flexibilité et de stockage nous permettant de garantir la résilience et l’indépendance énergétique de notre pays.

Réussir la décarbonation du secteur du bâtiment revient à résoudre une équation complexe ou chaque composante est essentielle : décarbonation, développement des réseaux, justice sociale, sécurité d’approvisionnement, indépendance énergétique, emploi local et réindustrialisation, avec un coût maîtrisé pour les finances publiques et les ménages. C’est un sacré challenge dans lequel le gaz, à terme 100% renouvelable et local, aura toute sa place !

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Amandine Martinet - Construction21

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