Alé Sall (ANAH) : "Trouver une solution de rénovation adaptée à chaque typologie de bâti" (partie 1)

Alé Sall (ANAH) :


 

Délais trop longs, impossibilité de créer un dossier..., l'Agence nationale de l'habitat (Anah) est la cible de nombreuses critiques et des procès ont été engagés. Alé Sall, directeur du programme France Rénov' au sein de l’Anah, revient autour d’une interview exclusive à Construction21 sur les grands enjeux de la rénovation. 

 

Quelles sont aujourd'hui les ambitions politiques en termes de rénovation ? 

La feuille de route de l’Etat est claire : rénover 20 millions de logements dans les 20 prochaines années. Sachant que plus de 80 % des logements de 2050 sont déjà là, l'enjeu est donc de rénover le parc existant avec une qualité et un niveau de performance qui permette d'atteindre les objectifs climatiques de la France. C’est une des priorités du gouvernement.

De belles ambitions mais avec quels moyens ? 

Les budgets alloués à cette politique publique vont dans le bon sens car ils progressent de façon continue depuis cinq ans. Rien que pour l’Anah, c’est un peu plus de 4 milliards d'euros engagés en 2023, dont 130 millions affectés à des crédits dits d'ingénierie attribués aux collectivités souhaitant mettre en place des politiques locales d’animation et d’accompagnement des usagers en faveur de la rénovation. Et près de 1,5 milliard d’euros de crédits d'intervention dévolus aux aides à la pierre pour les ménages les plus modestes et les typologies de bâti les plus complexes à traiter. Il faut aujourd’hui massifier la rénovation. 

De quelle rénovation parlons-nous ? L’idéal étant une rénovation globale et performante…

La politique publique s'appuie sur deux piliers complémentaires : la rénovation par geste qui permet la décarbonation massive des modes de chauffage et donc l’éradication du fioul, du charbon et du gaz, et la rénovation globale, plus complète et plus complexe qui inclut le chauffage, l'isolation et la ventilation et qui permet de viser des niveaux de performance élevés et de lutter efficacement contre la précarité énergétique. Sur les 700 000 rénovations effectuées en 2022, 65 000 étaient globales. Il faut aller beaucoup plus loin pour massifier la part de rénovations globales et performantes sur le quinquennat afin de nous permettre d’atteindre nos objectifs de mise à niveau du parc de logements. 

Ne faudrait-il pas arrêter de saupoudrer des aides par-ci par-là et de mettre tous les œufs dans le même panier ?

Nous ne sommes vraiment pas dans une logique de saupoudrage. Nous devons tenir les deux objectifs de politique publique : à savoir la baisse des consommations énergétiques des bâtiments et la décarbonation des systèmes de chauffage. Réduire drastiquement les combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz), principaux émetteurs de gaz à effet de serre, est une des solutions pour baisser nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et au-delà.  C'est un gisement majeur de réduction de notre impact écologique et de lutte contre le changement climatique. 
Par ailleurs, on ne peut pas tout caricaturer. Certains ménages n'ont pas forcément besoin de réaliser une rénovation globale parce qu’ils occupent un logement déjà plutôt performant. Ou ne peuvent pas parce qu’ils sont soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales pouvant constituer un frein à des rénovations lourdes notamment sur le traitement des enveloppes. La rénovation par geste doit continuer d’exister même si nous poussons vers une rénovation globale et performante, car celle-ci peut se faire en plusieurs étapes. Il ne faut pas opposer, mais plutôt travailler à proposer un parcours personnalisé. L’objectif est avant tout d’apporter une réponse adaptée aux différentes situations qui peuvent se poser. C’est pour cela que les ménages doivent être guidés et accompagnés pour faire le bon choix par rapport à leur besoin.

Justement, à travers France Rénov, l’objectif est de guider les ménages. Qu’en est-il ?

L’objectif est clair : offrir à chaque ménage l’accès à un service neutre, indépendant et personnalisé pour l’appuyer et le sécuriser à chaque étape de son parcours de rénovation. C’est toute l’ambition de France Rénov’, le service public de la rénovation de l’habitat que nous avons lancé en janvier 2022 pour rassurer, donner confiance et encourager le passage à l’acte. Il s’agit d’une offre de services complète et personnalisée déployée sur l’ensemble du territoire national, grâce à une coopération étroite entre l’Etat et les collectivités territoriales. Concrètement, cela s’incarne par une plateforme numérique (france-renov.gouv.fr) qui a accueilli près de 7 millions de visiteurs en 2022, un numéro de téléphone (0 808 800 700) qui a reçu 1,7 million d’appels en 2022 et par un réseau de plus de 550 espaces conseil France Rénov’ et près de 2 400 conseillers.

Le nombre d’accompagnateurs disponibles est souvent jugé insuffisant et les diverses aides, parfois cumulables, restent difficiles à comprendre pour les particuliers. Comment renforcer et simplifier votre action ?  

L’enjeu prioritaire est le renforcement de la présence de France Rénov’ sur l’ensemble du territoire national. Le gouvernement a fixé dans la feuille de route présentée le 26 avril dernier l’objectif de tripler le nombre d’espaces conseil France Rénov’ d’ici 2025 de façon à disposer d’un espace conseil par intercommunalité. Ils constituent le point d’entrée privilégié des ménages dans leur parcours et ont précisément pour mission de leur apporter toutes les informations utiles pour se repérer dans le système des aides et trouver les professionnels adéquats pour réaliser leur projet. Avec la mise en place de Mon Accompagnateur Rénov’, l’idée est d’aller plus loin en proposant un accompagnement sur mesure pour définir un projet ambitieux adapté à son besoin.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les Accompagnateurs Rénov ?

Lancé le 1er janvier 2023, Mon Accompagnateur Rénov’ est un opérateur tiers de confiance qui a pour mission d’accompagner les projets de travaux des ménages depuis l’élaboration du projet (audit énergétique, scénarios de travaux, plan de financement…) jusqu’à la réception du chantier. Il apporte son appui à la fois sur les plans technique (conception des scénarios de travaux, identification des entreprises…), financier (mobilisation des différentes aides existantes), administratif (aide au montage des dossiers) et social (repérage des situations de précarité du ménage et de dégradation du logement) dans la définition et la réalisation d’un projet de rénovation de son logement. Le décret et l’arrêté relatifs à Mon Accompagnateur Rénov’ parus en 2022 précisent les modalités et les conditions de mise en œuvre. Le recours à un accompagnateur agréé pour l’obtention de certaines étapes à la rénovation énergétique de l’Anah devient progressivement obligatoire. Depuis le 1er janvier 2023, les aides concernées sont MaPrimeRénov’ Sérénité et Loc’Avantages avec travaux.. Ils sont en premier lieu les opérateurs historiques de l’Anah et les espaces conseil France Rénov’, portés par les collectivités territoriales. A partir de septembre 2023, de nouveaux acteurs pourront devenir Mon Accompagnateur Rénov’ : architectes, bureaux d'études, sociétés de tiers-financement, etc. La plateforme de demande d’agrément leur sera ouverte à partir du 1er juillet.  

Il est déjà question d’escrocs de la rénovation. Comment s’assurer de la bonne foi de ces nouveaux acteurs en charge d’accompagner les particuliers ? 

L’agrément prévu par la loi et précisé par la réglementation sera délivré par l'État via l’ANAH et ses délégations territoriales. Ce sont donc les préfets qui les délivreront aux acteurs qui en font la demande, sous réserve toutefois qu’ils remplissent les conditions en termes de compétences, de capacité d'intervention sur le territoire et de capacité financière, tout en justifiant de leur neutralité et leur indépendance vis-à-vis d'entreprises de fournitures de travaux et de matériaux. Le but est bien sûr d'éviter que celui qui prescrit les travaux soit aussi celui qui les réalise. 
Il y aura un contrôle lors de la procédure d'agrément, mais également un dispositif de contrôle sur place pour vérifier de la qualité des prestations. Les accompagnateurs devront faire un rapport à la fin de chaque prestation, mais également un rapport annuel décrivant la manière dont ils mettent en place leurs obligations et prouver leur indépendance et neutralité.

Des sanctions sont-elles prévues ?

Elles existent déjà. Et pour éviter tout comportement frauduleux, tout un chacun, y compris les particuliers, peut faire des signalements sur le site France Rénov’. 

Il est encore très difficile de s’y retrouver parmi les nombreuses aides existantes, notamment pour savoir si elles peuvent être cumulables. La plateforme France Rénov a-t-elle vocation à devenir la plateforme unique pour répertorier l’ensemble des aides ?

La plateforme permet en effet de donner accès à l’ensemble des informations sur les aides existantes, un guide est d’ailleurs mis à disposition. En complément, il est aujourd’hui possible pour un particulier de se repérer sur les aides grâce au simulateur en ligne disponible sur la plateforme, qui permet à chacun, en renseignant quelques informations simples, de préciser l’éligibilité aux aides, les cumuls possibles et les niveaux de financement associés par rapport à la typologie des travaux que l’on souhaite réaliser. A noter cependant que cela ne reste qu’une simulation et non un engagement de financement. Il est fortement recommandé de s’orienter vers un conseiller France Rénov’ pour définir son projet de travaux et le plan de financement associé. Au-delà, nous faisons évoluer en continu la plateforme France Rénov’ pour enrichir l’information et fluidifier la navigation en ligne. En parallèle, nous déployons de nombreuses actions pour améliorer le processus de demande d’aide sur la plateforme MaPrimeRénov’ afin de répondre aux difficultés rencontrées par certains usagers.

 

Retrouvez la suite de l'interview
 

Propos recueillis par Stéphanie Obadia et Grégoire Brethome
 

 .

Partager :
Rédigé par

La rédaction C21

Modérateur

Amandine Martinet - Construction21

Journaliste