Ajuster, préserver, nuancer : 3 leviers pour massifier efficacement la rénovation énergétique

2866 France - Dernière modification le 20/09/2021 - 10:00
Ajuster, préserver, nuancer :  3 leviers pour massifier efficacement la rénovation énergétique

mairie de Brias, Re aedifica Maître d’oeuvre cf. Observatoire BBC

Pour massifier l’amélioration de la performance des bâtiments, les meilleures solutions sont celles où les démarches sont les plus simples possibles, pour pouvoir être aisément dupliquées, transposées, démultipliées. Cela n’enlève rien pour autant à la rigueur nécessaire pour une performance maîtrisée, car la simplicité n’est pas synonyme de simplisme. Pour mener à bien cette ambition, 3 leviers sont proposés par le CAUE 62.

Le constat : Les techniques couramment employées consomment une énergie grise conséquente, virtuellement compensée par des dispositifs complexes dont le risque d’obsolescence interroge. Il est donc urgent d’en revenir à des solutions frugales en s’appuyant davantage sur les REX qui laissent augurer de belles perspectives pour tout type de bâtiment (habitat, ERP, etc.) de petite ou grande envergure. Ainsi le résultat sera optimisé, l’entretien facilité, et la pérennité avérée. 

Sur le bâti ancien (« anté 48 »), globalement sans même prendre en compte l’apport des énergies renouvelables (éolien ou solaire), un niveau de performance de niveau B (environ 60 kWh.ep/m²/an) peut être accessible pour un résultat ne dénaturant pas le bâtiment d’origine. Même si la réglementation thermique de 2005 (avec son seuil de 90 kwh/m²/an) peut paraître un peu désuette, cela reste encore un défi à relever, vu que la moyenne nationale des DPE de logement était évaluée, en 2019, à 250 kWh/m² (ce qui correspond à un classement énergétique de catégorie E) et moins de 10 % atteindraient le niveau A ou B.

 

L’enjeu : Le traitement de l’enveloppe est évidemment essentiel pour la réussite du projet, mais trop souvent cela passe par une méconnaissance des qualités hygroscopiques remarquables des murs à base de matériaux naturels (largement employé avant les années 1950) qui permettent de réguler le taux d’humidité naturellement. Bien que ces techniques de matériaux peu transformés se soient marginalisées dans les constructions plus récentes, il paraît essentiel de les remettre en avant pour atteindre des résultats performants.

Crèche de Fareins, Mégard architecte

1er levier :  ajuster les efforts (le potentiel des parois horizontales)

Il est bien possible, pour ne pas dire indispensable, de moduler les interventions en concentrant l’optimisation de la résistance thermique (« R ») sur les parties les plus efficaces et où cela s’intégrera le mieux, plutôt que sur les murs qui ont de multiples caractéristiques (qu’il serait dommageable de banaliser). Chaque cas peut présenter des caractéristiques spécifiques, mais globalement cela peut concerner les  vitrages, les combles (habitables ou non), et le terre-plein (ou le vide sanitaire). La méthode de calcul réglementaire (dite « th-C-Ex »), rend possible cette approche prudente pour atteindre un seuil de consommation d’énergie primaire satisfaisant. Les bureaux d’études thermiques doivent être encouragés dans ce sens pour que cela puisse se pratiquer davantage. L’efficacité de cette posture a bien été démontrée en zone climatique h2 en 2016 (cf. « pierre verte » à Auch, appel à projet ADEME) et en zone climatique h1 en 2021 (cf. Brias, observatoire BBC). Sur ce dernier exemple, les caractéristiques hygrothermiques des murs sont préservées avec une intervention en ITI d’une valeur R réduite de 1,875 mais la forte isolation du sol sur cave (R= 6,2) contrebalance la performance d’ensemble pour atteindre un bilan global de 62 kWh.ep/m²/an. Pour rappel, les fiches CEE de l’ADEME suggèrent une valeur seuil nettement supérieure pour les façades (R = 3,7) et nettement inférieure pour les sols (R= 3). L’ancien évêché d’Auch et le presbytère de Brias démontrent donc qu’il est bien possible d’atteindre le niveau BBC en modulant ces valeurs seuils suggérées par les fiches de l’ADEME. Evidemment, l’efficacité de cette démarche valorisant l’isolation des parois horizontales sera confortée avec des matériaux isolants non nocifs pour les usagers, ouvert à la vapeur d’eau ET hygroscopique. Dans chaque région, des filières courtes et renouvelables ont été engagées (paille, fibre de coton, cellulose…) avec des transformations très limitées, réduisant donc sensiblement l’impact sur l’énergie grise et les nuisances potentielles (absence de formaldéhyde, etc) ce qui rend ces matériaux plus accessibles.

mairie de Brias : isolation renforcée sur les parois horizontales cf. Observatoire BBC

2eme levier :  préserver les murs avec des techniques adaptées

La prise en compte des effets induits par le choix d’un isolant mural est sous-estimée. Des études reconnues et des documents officiels (hygrobat, circulaire relative à la territorialisation du plan de rénovation énergetique…) ont démontré cette inefficacité, voire le risque de dégradation en cas d’application de solutions « clés en mains » qui ne tiendraient pas compte des qualités hygrothermiques propre au bâti ancien ou aux constructions bioclimatiques « low tech ». Les briques moulées main, par exemple, bénéficient d'une forte capillarité qui offre une gestion équilibrée de l'humidité dans les parois verticales. Pour maîtriser les défauts liés à l’ajout de matériaux inadéquats, un triple critère doit être envisagé pour le choix de l’isolation des murs.

Mise en évidence de la  capacité d’absorption (par pipe de Karsten)

La solution doit avoir pour priorité d’être :

  • sans membrane (pour faciliter la mise en œuvre),
  • d’épaisseur réduite ; λ < 0,045 (pour limiter les sujétions),
  • hydrophile (pour préserver la régulation de l’humidité).

Pour atteindre ces objectifs spécifiques, deux filières se distinguent. Le béton cellulaire allégé et la chaux adjuvantée. Véritables « moutons à cinq pattes », il s’adaptent à un maximum de contraintes sans altérer les bâtiments existants.  Les exemples français exploitant l’une ou l’autre de ces filières sont encore marginaux, comme le prieuré de Lévi Saint Nom, ou La mairie de Brias  mais méritent attention dans le cadre d’une réflexion de massification. En revanche, les divers dérivés pétrochimiques et laines minérales, plus couramment employés, ne sont pas les plus évidents. Les conditions de pose de l’indispensable membrane ne sont effectivement pas sans soulever de difficultés pour obtenir le résultat escompté. En effet, s’il est, en théorie, possible d’appliquer en rénovation une membrane pare vapeur, cela interroge sur la massification de cette mise en œuvre sensible, surtout en rénovation. Les conditions sont souvent très peu propices à une mise en œuvre où la membrane serait préservée de toute perforation ou discontinuité. Le guide pratique « la thermique du bâtiment» publié par ISOVER le souligne à juste titre : « il est notamment dangereux de mettre en place des pare-vapeur sans avoir la capacité réelle d’en assurer la continuité ».

3eme levier : nuancer la complexité des équipements techniques.

Des références, cités par construction 21 (cf. green solutions award p. 21), laissent augurer des dispositifs performants sans chauffage centralisé, ni ventilation mécanique, en exploitant principalement l’effet du tirage thermique, avec des résultats probants. C’est le cas en particulier de l’exemple de « l’Ecurie », élaboré avec la collaboration d’un B.E environnementaliste. L’entretien est donc nettement plus maîtrisable et l’économie du chantier devient flagrante dans ce cas.  Cependant, pour rentrer dans le cadre réglementaire français actuel (avec la méthode de calcul « Th U Ex »), cela ne pourrait être généralisé que pour des logements. Pour les autres programmes, c’est au cas par cas, avec les dérogations dites « titres V ». A fortiori, cela décrédibilise le potentiel de la ventilation naturelle. Pour le tertiaire, le régime dérogatoire du titre V ne laisse donc (pas encore) augurer une généralisation des exemples exceptionnels des architectes pionniers comme Nicolas Michelin, ou Philippe Madec. 

Extrait du guide « la ventilation naturelle des habitations ».

Concernant les logements, pour que les bonnes pratiques permettent d’assurer l’indispensable renouvellement de l’air, il faut que les professionnels assimilent davantage les dispositions énoncées dans les guides de bonnes pratiques, comme celui de l’ADEME (cf. pp. 16-17).  En Angleterre ou en Belgique, le cadre réglementaire est plus cohérent et encourage davantage à utiliser les qualités de la ventilation naturelle dite de catégorie « A ». Un guide pratique wallon permet aisément de s’inspirer de ces bonnes pratiques, et mériterait d’être largement diffusé pour voir davantage de réalisation performantes (niveau BBC) tel qu’à St Cast le Guildo .

Pour conclure, les solutions qui nécessitent le moins de modification dans la production, le moins de transport, le moins d’étapes et de sujétions dans la mise en œuvre, le moins d’entretien tout en exploitant des ressources renouvelables et ou abondantes, sont à privilégier. Des progrès sont encore envisageables en la matière (en particulier pour les traitements des murs ou des vitrages) mais depuis une décennie environ, nous disposons d’un panel de professionnels, de techniques, de matériaux permettant de généraliser les rénovations avec une étiquette « B », sans que cela n’impose de choix au détriment du bon sens. Ces dispositions sont valorisées par le tout nouveau label « Effinergie Patrimoine » qui permet déjà, dans plusieurs régions, de mobiliser des subventions pour réduire le coût des travaux.

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