Transition énergétique dans le bâtiment : des besoins massifs de montée en compétences

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Plusieurs rapports décrivent précisément les besoins de formation dans le secteur du bâtiment. Build Up Skills dresse un tableau assez exhaustif de la situation concernant les entreprises qui réalisent les travaux, mais pas de la maitrise d’oeuvre. Pour atteindre les objectifs fixés par le gouvernement, il est indispensable de former massivement, y compris le grand public.

Un premier constat

« La réponse aux objectifs ambitieux d’amélioration de la performance énergétique fixés par l’Europe et la France, passe par une montée en compétence massive et rapide de l’ensemble de la profession » constate dans son introduction le rapport Build Up Skills (BUS).

Les objectifs ambitieux du PREH et les ambitions de la loi sur la transition énergétique demandent que toute la chaîne, allant du maître d’ouvrage, via l’architecte et les bureaux d’études, aux entreprises et artisans sur le terrain soient compétents.

Le secteur en quelques chiffres (données BUS) :

  • 1 million de salariés du bâtiment et des artisans ;
  • 98% des entreprises ont moins de 20 salariés ;
  • présence locale très forte, donc éparpillement sur le territoire ;
  • âge moyen du secteur : 36 ans.

60 000 personnes ont été formées en 2014 au travers du dispositif FEEBAT, et 73 000 cumulées de 2008 à 2013. C'est un effort colossal lié à l'effet éco-conditonnalité, qui consiste à exiger des entreprises qu’elles disposent du signe de qualité “Reconnu Garant de l’Environnement” pour que leurs clients bénéficient de certaines aides publiques (Crédit d’Impôt Transition énergétique, Eco-Prêt à Taux Zéro).  

Ces entreprises possèdent pour 1/3 des qualifications dans le domaine des ENR et pour 2/3 dans le domaine de l'efficacité énergétique. Ces qualifications sont délivrées par 5 organismes de qualification/certification : qualibat, qualit'enr, qualifelec, certibat et cequami.

Pour l’ADEME, deux voies sont à développer : la formation au geste professionnel, sur les plateaux comme PRAXIBAT, et d’autre part la formation en ligne, qu’il faut bien sûr adapter au plus près des besoins des secteurs.

Le dispositif national PRAXIBAT® permet un « apprentissage par la pratique » grâce à des plateaux pédagogiques et techniques répartis à travers la France. En 2014, c’est 65 plateaux techniques PRAXIBAT®, conformes à des cahiers des charges nationaux, sont opérationnels sur 13 régions du territoire national.

 

Le développement d’une culture commune

La montée en compétences des ouvriers et artisans du bâtiment représente un enjeu de taille pour la France, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. En effet les engagements pris, en matière de rénovation thermique et de développement des énergies renouvelables (EnR), impliquent tout à la fois de former en masse et de fixer des objectifs de qualité ambitieux pour les formations dans le secteur du bâtiment.

D’un point de vue quantitatif, tout d’abord : avec près d’un million de travailleurs sur chantiers, la France doit mener à bien une opération de formation de masse sans précédent. Or, la dynamique actuelle de formation dans le secteur du bâtiment est loin d’être à la hauteur du défi posé, et ce, malgré des initiatives importantes, telles que les conditions d’application avantageuses du dispositif FEE Bat.

D’un point de vue qualitatif, ensuite : les objectifs environnementaux impliquent de fixer des objectifs de qualité pour les formations pour qu’elles permettent l’atteinte de performances largement améliorée. Cela est valable pour la construction neuve (application effective de la nouvelle Réglementation Thermique (RT 2012), mise en œuvre progressive de « Bâtiments à Energie Positive » (BEPOS)...), mais surtout pour la rénovation qui constitue un gigantesque défi afin de pouvoir atteindre un parc global très performant à l’horizon 2050 (niveau “bâtiment basse consommation” en moyenne).

Les besoins en compétence des "cols bleus" (les entreprises qui réalisent les chantiers, pour le secteur du bâtiment), sont de deux ordres

  • Les compétences "transversales" :
    • Culture commune de l'approche globale du bâtiment ;
    • Savoir travailler ensemble ;
    • Importance de la qualité de la mise en œuvre ;
    • Rigueur de l'autocontrôle ;
    • S'ajoutent pour les artisans des besoins en compétences pour conseiller ses clients, choisir et faire évoluer son positionnement, etc.
  • Les compétences par type de métier.

La formation de formateur est également nécessaire. Selon l’étude ADEME/CAFOC de Nantes (2011), plus de 24 000 enseignants ou formateurs sont à former dont 20 000 formateurs permanents et 4 000 vacataires (y compris enseignement supérieur). Spécifiquement sur les métiers du bâtiment, ce chiffre est ramené à 6 000 formateurs et enseignants.

Après analyse des besoins et attentes des formateurs de la filière, cette étude proposait de travailler sur un plan d’action décliné en quatre grands axes :

  • Renforcer l'information sur le Grenelle de l'environnement, notamment les enjeux liés à la rénovation énergétique des bâtiments.
  • Rendre opérationnelle l’approche globale : préciser les changements que cette approche globale induit dans les pratiques professionnelles et en déduire les impacts sur les méthodes pédagogiques à utiliser.
  • Développer les compétences techniques propres à chaque métier.
  • Renforcer les compétences pédagogiques des formateurs : dans le champ de la pédagogie, les formateurs sont demandeurs de thématiques comme l’innovation, la conduite de projets, les méthodes de résolution de problèmes, la coopération et le travail en équipe.

L’évolution la plus notable concerne le nécessaire développement d’une culture commune de l’approche globale du bâtiment, tenant compte à la fois d’aspects énergétiques, acoustiques, liés à la qualité de l‟air intérieur ou encore à l’accessibilité, permettant à chaque corps d’état de situer sa contribution. Cette dimension collective impose de renforcer les collaborations entre les professionnels et de développer les interfaces. L’atteinte de performance énergétique élevée (et plus généralement de bonne qualité du bâtiment) nécessite une conception et une mise en pratique collective : la recherche de l’étanchéité à l’air est un exemple évident puisqu’il est nécessaire que les corps d’état se coordonnent précisément. Cette coopération s’apprend sur le terrain (la RT2012 favorise cela avec le test d’étanchéité à l’air par exemple), mais elle peut aussi être améliorée grâce à des méthodes d’apprentissage collaboratives telles que les MOOC le permettent.

Un rapport inégalitaire face à la formation

Toutes filières confondus, selon le Rapport du Comité de filière « Métiers du bâtiment » (2009), 1 million salariés et artisans seraient à former. En tenant compte des personnes déjà formées dans le cadre du dispositif FEE Bat (financé en partie par les Certificats d'Economie d‟Energie) et en lissant l’effort sur 10 ans, l'effectif annuel est donc de 125 000 à 126 000 personnes jusqu'en 2020. Soit un effort massif et continu, et encore deux fois supérieur au rythme constaté en 2014 pour FEE Bat bien qu’il a été exceptionnel.

Selon l’Observatoire de la Petite Entreprise « de façon générale, la formation continue des dirigeants d'entreprises diminue avec la taille des entreprises (cela est vrai également pour la formation des salariés) ». La première raison invoquée par les chefs d'entreprises est souvent le manque de temps.

Concernant le secteur du bâtiment qui nous intéresse ici, rappelons que 98 % d’entreprises se trouvent dans une configuration avec moins de 20 salariés. Or, « 90 % des entreprises de moins de 10 salariés n'envoient jamais de personnel en formation» (données tirées du rapport  de la FAFSAB nationale "Projet Maisons de l'emploi et développement durable : adapter les contenus de formation et développer la formation des formateurs").

Estimation des besoins de formation pour la maîtrise d’oeuvre

Une étude des besoins spécifiques et transverses de la maîtrise d’oeuvre permettrait de compléter le tableau [nous n’avons pas connaissance d’une telle étude : contribution bienvenue !].

Pour autant, en 2015, la rénovation énergétique se profile pour être un des thèmes de formation recommandé, dans un récent interview Berangère Py Rodrigues, conseillère nationale de l’ordre des architectes, en charge du dossier de la formation continue. C’est même une tendance lourde. Les formations en développement durable et qualité environnementale sont les formations qui ont connu la plus forte croissance depuis 2008 (59% des formations en 2011) - Observatoire de la profession d’architecte.

Le numérique, des usages en hausse

Ces quinze dernières années, le secteur du bâtiment a mis en place des dispositifs de formation s’appuyant sur le numérique, avec son lot de réussites et d’échecs. Que se passe t’il aujourd’hui ? Un changement radical dans l’usage. Que ce soit sur smartphone, tablette ou ordinateur, l’usage est devenu quotidien. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon le baromètre annuel Capeb-CNOA-Batiactu 2014 la quasi-totalité des architectes (96 %) et une très grande majorité des artisans (81 %) utilisent le Web dans le cadre de leur activité. Grâce à ces équipements (smartphone, tablette, ordinateur portable), l'accès à Internet nomade est une réalité pour 77 % des architectes et pour 60 % des artisans. (Le taux de pénétration des terminaux mobile en France est de 61% pour les smartphones et de 46% pour les tablettes - étude Deloite sur les usages mobile des français ).

Les compétences numériques dans le secteur du bâtiment seront de plus en plus nécessaires. Et ne se limitent pas à l’usage de tel ou tel outil mais plutôt à de nouvelles pratiques collaboratives (voir article Le MOOC, partie émergée d’une transition en marche).

Bref, la transition numérique et énergétique impacte tous les métiers.

MOOC or not to MOOC ?

On le voit, les besoins sont massifs. Pour autant, quelle place doivent prendre les MOOC ?

  • Faut-il développer des MOOC pour former les acteurs de la filière ?
  • Doit-on construire des parcours qualifiants ou proposer de petits modules ?
  • Doit-on construire des parcours accessibles sur mobile ?
  • Quels sont les sujets prioritaires ?
    • Compétences transverses ?
    • Processus de rénovation (toutes les étapes)
    • sujet spécifique

Et vous ? Qu’en pensez-vous ? Faut-il développer des MOOC ? Quel scénario vous semble le plus pertinent ? Quels sont les premiers sujets à traiter ? Ou faut il tabler sur un système ouvert en rassemblant les initiatives ? Comment voyez-vous les choses ? A débattre ensemble tout au long de cette étude ouverte et collaborative.

 

Prochain post : pourquoi cette étude ? Et comment se déroulera t'elle ?

 


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