Le MOOC, partie émergée d’une transition en marche

pages:newchild

La transition numérique concerne l’entreprise, le territoire, le citoyen (à l’image de la transition énergétique). Elle bouleverse le monde, la façon de le vivre et de l’apprendre. Dans le monde de l’éducation et de la formation, on ne peut que constater une accélération dans la diffusion de nouvelles pratiques pédagogiques et d’un nouveau cycle d’innovation.  Le phénomène MOOC en fait partie.

Cet article fait écho à la conférence du 23 janvier 2014 qui présente l’étude de faisabilité pour le développement d’un écosystème de MOOC en faveur du bâtiment durable. Cet article est une introduction générale au phénomène MOOC. Certains des thèmes abordés seront approfondis au fil des prochaines semaines.

Une première vague : FOAD, e-learning, serious game et blended learning

La formation à distance existe depuis que la poste existe. Cela permet d’apprendre à son rythme. Sans faire un historique complet des vingt dernières années, voici une synthèse des différentes vagues.

La FOAD (Formation Ouverte et à Distance) permet une forte individualisation des parcours mais nécessite du tutorat et une forte ingénierie pédagogique. Elle donne de bons résultats On retrouve la FOAD dans le secteur de la formation continue des organismes de formation. Le terme est passé de mode, mais il serait dommage de ne pas s’appuyer sur l’expérience passée, entre autres sur les causes d’abandon ou la persévérance pendant un parcours.  

Le e-learning est l’apanage du monde de l’entreprise. Il a été souvent décrié parce que souvent organisé dans une logique d’auto-formation. Le e-learning a pourtant permis de mettre le doigt sur l’importance du design de l’interface et de scénarii plus ludiques que de simples PDF. L’analyse des projets en difficulté adégagé trois tendances qui montrent que les problèmes sont très souvent liés à des éléments tels que :

- la vitesse ou la fiabilité de la fourniture de la technologie ;

- la qualité et la profondeur du contenu ;

- l’absence d'intervention humaine ou d’enseignants.

Une mode chasse l’autre. Le serious game rajoute la “ludification” : l’apprenant devient ainsi un joueur récompensé !Le “game play” (c’est-à-dire l’expérience ludique du joueur) pousse à l’action. Julian Alvarez, chercheur et concepteur de Serious Games, explique quelques facteurs clés du succès. En particulier, il faut l’intégrer dans un processus de formation plus large et pointe l’importance de l’accompagnement.

Une autre approche a été de développer des démarches de type “blended learning”. On mélange alors différentes modalités pédagogiques pour multiplier les modes d’apprentissage : du présentiel et de la formation à distance.

2012, le Tsunami MOOC

Depuis le début des années 2000, la prestigieuse université américaine du Massachusetts Instititue of Technology (MIT) propose des ressources pédagogiques libres (OER - Open Education Ressource) et des parcours d’auto formation avec le MITOpenCourseware. En 2008, deux canadiens, Georges Siemens et Stephen Downes proposent de suivre leurs cours Connectivism and Connective Knowledge gratuitement à travers le web en même temps que leurs 25 étudiants. 2 300 participants suivent l’aventure.

Trois en plus tard, en 2011, le cours d’intelligence artificielle de Sebastien Thrun donné à l’Université de Standford attire 160 000 étudiant (il espérait 10 000 participants) ; trois mois plus tard, il fonde Udacity, l’une des premières plateformes de MOOC. Peu après, une autre initiative émanant également de Standford, est créée, Coursera et lève, dès avril 2012, seize millions de dollars. Udacity et Coursera mettent à disposition gratuitement des cours universitaires, mais elles sont à but lucratif (le modèle économique n’est pas encore précis, elles génèrent peu de revenus à ce jour).

Les projets se multiplient. Le MIT et Harvard lancent à leur tour edX, qui devient la plateforme à but non lucratif de référence.

elemooc.jpg

La chronique des MOOC de Mathieu Cisel retrace les grandes étapes de ce mouvement aux multiples facettes.

Dans le monde francophone, Itypa (Internet Tout Y Est Pour Apprendre) fait l’effet d’une bombe. MOOC connectiviste suivi par 3 500 personnes, il enflamme la blogosphère éducative. Deux mois plus tard, ce sera le MOOC Gestion de projet qu’anime Rémi Bachelet, de l’école centrale de Lille. Pour ce dernier, la quatrième saison vient de se terminer avec à chaque fois plus de participants et plus d’activités. Vous pouvez d’ores et déjà  vous inscrire à la prochaine session du MOOC « ABC de la Gestion de projet », elle commencera le 9 mars 2015.

En France, la plateforme FUN (France Université Numérique), suite à l’initiative du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, ouvre ses portes en janvier 2014, et comptabilise 530 000 inscriptions dès la première année. En 2015, elle devrait proposer plus d’une centaine de MOOC provenant de 40 établissements différents.

Le MOOC, une arme de formation massive

Le MOOC se nomme aussi CLOM (Cours en Ligne Ouvert et Massif) dans sa version francophone. Voici une première définition :

M pour massif : des milliers - voire des dizaines de milliers - de participants qui favorisent les échanges entre pairs avec des approches collaboratives et sociales.

O pour Open : le terme Open en anglais peut se traduire de différentes manières. Ouvert à tous mais adapté à un public cible. Gratuit mais pas toujours ou avec des services payants. Le plus souvent avec des ressources pédagogiques libres (sous licence Creative Commons).

O pour Online : tout se passe à distance mais libre à vous d’organiser des rencontres présentielles formelles ou informelles... On peut donc utiliser un MOOC en complément de l’enseignement classique.

C pour Course : c’est une formation avec ses objectifs pédagogiques et des évaluations comme des dispositifs de e-learning ou de FOAD.

Le MOOC est avant tout une arme de formation massive, ce qui implique de nouvelles approches pédagogiques pour répondre aux contraintes spécifiques des nombreux groupes. Surtout le MOOC fait entrer l’éducation dans la culture numérique, comme le souligne Christine Vaufrey, l’une des conceptrices du MOOC Itypa, permettant des apprentissages massivement personnalisés. C'est également l'intégration du web social qui modifie radicalement les modalités d'apprentissage. Nous ne sommes plus dans un modèle strictement descendant. 

Mais inscription ne veut pas dire participation : il y a un vrai phénomène de « no-show » (terme utilisé en hôtellerie pour désigner un client qui ne se présente pas à sa réservation). Sur les gros MOOC, ce taux est énorme, couramment plus de 70%, et ces derniers temps, il tend à croître avec l’augmentation de l’offre. Cependant, malgré ce taux de non participation élevé, le nombre total d’apprenants reste très élevé.

Un engagement à la carte

En général, un MOOC se déroule de la manière suivante : des petites vidéos (10 minutes en moyenne) forment l’ossature du cours associées à des ressources complémentaires. Des quizz permettent d’évaluer la compréhension des notions. Les participants échangent sur les forums avec le professeur et l’équipe pédagogique. Des études de cas, des activités collaboratives complètent le dispositif.

Les participants vivent la formation en fonction de leurs objectifs personnels et de leurs disponibilités, ce qui est radicalement  différent d’une formation classique avec obligation de présence. L’un regardera les vidéos ; l’autre s’engagera dans une certification ; le troisième abandonnera en cours de route par manque de temps mais s’inscrira à la session suivante, etc.

Une des fonctions de l’ingénierie pédagogique sera de mettre en place des stratégies pour éviter le décrochage et encourager l’engagement des participants. On s’appuiera sur des logiques de “ludification” comme l’utilisation des “open badge” conçu par Mozilla. Intégré dans un MOOC, cela permet de décerner aux apprenants des badges pour les connaissances, habiletés et compétences acquises, Mais le plus simple est de lire ce que dit Mathieu Bonne, blogueur et serial-mooceur,  (30 MOOC à son actif)…à propos du MOOC idéal :

  • Un public bien ciblé
  • Des supports de cours dignes de 2014
  • Des enseignants performants
  • Un contenu conçu et travaillé avec soin
  • Communication, Collaboration, Communauté

Tout cela nécessite un tutorat qui s'apparente à du comunity management favorisant les échanges entre les membres de la communauté apprenante... soit du social learning favorisant la co-construction des savoirs (voir connectivisme).

 

Digitalisation du secteur de la formation

Indéniablement, les MOOC répondent aux attentes de l’utilisateur avec des dispositifs flexibles et ouverts. Une preuve est probablement que les grandes écoles et universités intègrent de plus en plus des MOOCs dans les parcours des étudiants. La formation présentielle se digitalise, pour une meilleure efficacité pédagogique… Le concept de  “classe inversée” illustre une partie de ce phénomène :  

 

classe-inversee.png

Pour reprendre la définition de ZoneTIC , la pédagogie inversée est "une stratégie d’enseignement où la partie magistrale du cours est donnée à faire en devoir, à la maison, alors que les traditionnels devoirs, donc les travaux, problèmes et autres activités, sont réalisés en classe". En clair, on apprend en faisant. Ceci rejoint complètement les enjeux de la formation dans le secteur du bâtiment où les compétences sont des savoirs-faire complexes alliant savoirs théoriques et savoirs pratiques.

Or, les MOOCs peuvent être également utilisés dans une logique de classe inversée où les plateaux techniques (Praxibat®  développés par l’ADEME et les Conseils Régionaux notamment, ou d’autres) servent à compléter un parcours initié en ligne et surtout à valider les compétences de mise en oeuvre. Cela peut également permettre de favoriser les formations sur chantier.

Le numérique est omniprésent dans tous les métiers. Cela nécessite d’acquérir de nouvelles compétences et pratiques comme savoir travailler en réseau et de façon collaborative, ou de savoir chercher l’information. Les pratiques collaboratives ne sont pas naturelles : elles s'apprennent par la pratique.

Or, comme le souligne Alain Maugard – Président de QUALIBAT : “Si le travail collaboratif est une méthode de travail, la vision architecturale et technique du bâtiment, elle, est systémique. Par conséquent, les acteurs du bâtiment, maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, entreprises, doivent de plus en plus apprendre à travailler ensemble en mode collaboratif. Cette intention ne sera efficiente que si chacun possède une connaissance transversale du système global qu’est le bâtiment.  C’est-à-dire la connaissance et la méthode de travail qui permettront d’agir sur une optimisation aiguë des coûts de construction.”

Ce qui est vrai pour les professionnels l’est aussi pour les 24 000 formateurs du secteur (étude ADEME/CAFOC). En effet,  dans le champ de la pédagogie, les formateurs sont demandeurs de thématiques comme l’innovation, la conduite de projets, les méthodes de résolution de problèmes, la coopération et le travail en équipe.

Les MOOC, un levier pour de nouvelles pratiques

Le numérique n’est pas magique. Pas plus que les MOOC. C’est un moyen supplémentaire de la formation qui peut répondre à certains objectifs pour différents publics. Mais c’est également un formidable levier pour moderniser les pratiques et intégrer la culture numérique dans la formation. Cela nécessite au préalable de répondre à de nombreuses questions :

  • Quels sont les sujets pertinents et adaptables dans un format MOOC ?
  • Comment articuler des MOOC avec des parcours présentiels ?
  • Quels compétences visées pour quels publics ?
  • Comment évaluer les compétences ? Pour quelles certifications ?
  • Comment développer et animer une communauté d'apprentissage ?
  • Quelle pédagogie favoriser ?
  • Comment gérer les droits d’auteur des ressources : copyright ou Creative Commons ?
  • etc.   

Répondre à ces questions nécessité de travailler sur un mode collaboratif. C’est pourquoi cette étude de faisabilité est elle-même participative ! Vos contributions permettront d’enrichir le débat et construire une réponse à plusieurs variables. Partagez votre expérience, comme praticien du bâtiment, comme utilisateur de MOOC, comme formateur ! Un beau challenge ! Qu'en pensez-vous ?


Partager:

Excellent tour d'horizon des différentes méthodes d'apprentissage à distance et, bien sur, des fameux MOOCs dont on parle tant depuis 2012.

Un excellent levier pour aider le secteur du bâtiment à accomplir sa transition énergétique et environnementale!

 Véronique Pappe friendlytime:the 21-01-2015

pages:history

pages:more

Des SPOC à la rentrée
pages:strapline
MAI 2019 - PROCHAINS MOOC
pages:strapline