Pourquoi les hirondelles désertent les villes ?

Rédigé par

Guillaume Lemoine

5846 Dernière modification le 23/05/2017 - 09:54
Pourquoi les hirondelles désertent les villes ?

On a rapidement tendance à opposer villes et nature. Pourtant depuis de nombreux siècles diverses espèces animales tirent profit des constructions humaines.

Il suffit de visiter les châteaux de la Loire pour voir que ces chefs d’œuvre de la Renaissance accueillent une quantité d’oiseaux et mammifères dans leurs toitures (martinets noirs et chauves-souris diverses) et que leurs façades sont souvent couvertes de nids d’hirondelles de fenêtre. Les cathédrales sont quant à elles des endroits idéaux pour servir de lieux de perchoir voire de nidification au faucon pèlerin. Nos bâtiments jusqu’au début du 20ème siècle formaient ainsi des habitats de complément et/ou de substitution pour nombreuses espèces. Les lieux « naturels » qui accueillaient hirondelles et martinets nous sont inconnus, et les chauves-souris dans les régions sans cavités, gouffres, karts et grottes sont elles aussi très dépendantes de nos constructions tant pour leur reproduction, accouplement (swarming) que pour leur hivernage. L’effraie des clochers et l’hirondelle des cheminées sont également anthropophiles, mais dépendantes de l’habitat rural (grange, clocher, étable…).

Aujourd’hui les techniques évoluent et nombreuses espèces désertent progressivement les villes. Nos bâtiments modernes ne présentent plus les interstices et anfractuosités favorables aux martinets et chauves-souris, l’imperméabilisation des sols et l’absence de boue nécessaire à la construction des nids d’hirondelles s’ajoutant à la forte diminution des insectes font progressivement disparaître les hirondelles de fenêtre et les nombreuses autres espèces insectivores de nos villes.

Ce triste constat entraîne diverses réactions et questionnements. La destruction des nids d’hirondelles et des habitats à chauve-souris est soumise à demande d’« autorisation » auprès de la DREAL et à des mesures de compensation si on ne désire pas voir ces espèces disparaître de notre territoire, car à chaque déconstruction/démolition d’un bâtiment qui accueille un lieu de reproduction ou d’hivernage correspond souvent une perte nette. Les démarches de prise en compte, surtout si elles ne sont pas anticipées, (étude d’impacts, demande de dérogation à l’interdiction de détruire, mesures compensatoires) peuvent être coûteuses en temps et en argent. Le retour dans nos villes du faucon pèlerin, après de nombreuses décennies d’absence, n’est pas non plus sans conséquence… notamment quand cet oiseau prestigieux décide de nicher sur une usine en ruine qu’il convient de détruire pour créer un nouveau quartier, comme ce fut le cas à Wattrelos (59).

Les réponses à ces enjeux de conservation peuvent être pourtant simples. Il s’agit d’un côté bien sûr de faire plus d’espaces de nature dans les quartiers tant pour la faune, la flore, la fonge que pour l’Homme. Les espaces de nature sont sources de bien-être et lien social. Ils limitent le stress et les dépenses de santé et nous évitent d’avoir systématique recours à l’automobile pour aller chercher plus loin les espaces verts ou de nature dont nous avons besoin. L’autre réponse correspond à notre capacité de construire des bâtiments modernes compatibles avec les besoins « assez simples » des espèces qui sont dépendantes de bâtiments accueillants et perméables pour nicher. Intégrer cet aspect dès la conception des bâtiments m’apporte aucun surcoût. Quelques rebords ou corniches bien placés (mais pas au-dessus d’une fenêtre) permettent d’accueillir des nids d’hirondelles, quelques passages dans les sous-pentes des toitures permettent d’offrir aux martinets et chauves-souris des sites de nidification dans des espaces souvent inutilisables.

Créer une petite cavité artificielle sur le sommet d’un haut bâtiment aura les faveurs du faucon. Il ne s’agit là que de bon sens et de bonne volonté. Les seules ressources à utiliser qui sont elles inépuisables sont notre imagination, notre cerveau et notre envie de faire. Bref, inverser la tendance pour que nos villes soient toujours le lieu de vie de certains oiseaux qui en sont dépendants ne tient qu’à nous tous ; maître d’ouvrage, maître d’œuvre et constructeurs. Lorsque les nouveaux bâtiments compatibles avec l’accueil de la faune sauvages seront légions, les mesures compensatoires (comme la pose de nichoirs artificiels) n’auront plus d’objet tant l’offre de lieux favorables sera importante.

Pour ceux qui veulent construire des bâtiments compatibles avec la faune sauvage et qui ne savent toujours pas, nous vous recommandons les publications de Naturparif , de la LPO et de leurs partenaires (CAUE, Cerema…).

Article publié par Guillaume Lemoine
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Bibliographie :

 

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