L’ascension vertigineuse du téléphérique urbain

3505 Dernière modification le 23/06/2016 - 10:52
L’ascension vertigineuse du téléphérique urbain

Ecologique, silencieux, rapide et économique, le téléphérique urbain bénéfice d’une forte popularité auprès des urbanistes.

Depuis l’ordonnance du 18 novembre 2015 instaurant un cadre juridique pour le transport urbain par câble, le téléphérique apparait comme LA solution pour assurer les jonctions au cœur des villes. On en parle à Paris, entre la gare de Lyon et la gare d’Austerlitz ; à Toulouse, c’est l’Aérotram qui est au cœur des discussions et à Brest, le projet est imminent puisque la mise en service se fait cette année. Jean Robert Mazaud, fondateur du cabinet d’architecture S’PACE, milite pour ce « Tram du ciel » et voit en lui le transport propre de la ville de demain ; celui qui nous accompagnera vers la transition énergétique.

Pensez-vous que le téléphérique s’adapte à tous les paysages et à toutes les situations ?

Jean Robert Mazaud : Le téléphérique, c’est un type de télécabines ; je préfère parler de « tram du ciel », qui n’est rien d’autre qu’un grand ascenseur permettant de rejoindre un point à un autre en passant par les airs. Et ce n’est pas d’hier ! Il nécessite peu d’énergie pour circuler, peu de travaux et son coût d’installation et de fonctionnement est bien inférieur à la plupart des autres modes de transport. Sans compter que c’est plus poétique de circuler dans le ciel que sous terre. Il supporte mal le vent, c’est à peu près tout.

Tramway aérien Portland Oregon ©-Doppelmayr

Tramway aérien Portland Oregon ©-Doppelmayr

A Haiti après le tremblement de terre par exemple, personne n’est capable de restituer un réseau de transports, le téléphérique est la seule solution comme à Katmandou. Faible consommateur d’énergie, le « tram du ciel » peut être autonome s’il est alimenté par des éoliennes, comme les ascenseurs de l’immeuble Indigo 12-W, par exemple, voisins de l’AerialTramWay de Portland (Oregon). La télécabine que nous proposons entre la gare de Lyon et la gare d’Austerlitz pourrait être alimentée par une hydrolienne au fond de la Seine qui tournerait en permanence sans coupure de courant. Ce système AUSTERLYON, capable de transporter plusieurs milliers de passagers par heure dans chaque sens, pourrait absorber la totalité des déplacements entre les deux gares, les transformant en autant de survol de la Seine, sûrs, abrités et autrement plus agréables !

Comment expliquez-vous que le téléphérique soit si peu répandu en France alors qu’il semble être évident pour désencombrer les rues et offrir un mode transport propre ?

Télécabine © Art Milan Mazaud

Télécabine © Art Milan Mazaud

J.R.M. : Les politiques sont dans le jus, peu osent car ce mode de transport nécessite une concertation avec la population. On ne peut pas imposer cette solution, et malheureusement, les citadins sont peu concertés, c’est un vrai sujet, la ville se fait avecses habitants « mutualistes ». En France, les villes sont subies, c’est la punition, on doit subir le bruit, la pollution, la foule, alors que pour moi, la ville c’est une promesse. On ne peut pas être déçu de la ville. Les problèmes ne sont pas une fatalité, et les solutions sont là. Les objectifs de la ville, c’est d’aller plus loin, plus haut, d’être plus à l’aise et plus en vie !

Avez-vous des réponses aux oppositions structurelles liées à la loi, la sécurité ou au respect du patrimoine ?

J.R.M. : L’une des conséquence de la Cop 21, c’est justement le changement de la loi permettant le transport par câble en zone urbaine, le texte précise que le point le plus bas du survol ne peut être situé à moins de dix mètres des propriétés survolées. D’ailleurs, le principe, c’est que les propriétés privées ne soient pas survolées. Les sites protégés ne risquent donc pas d’être endommagés. C’est beaucoup moins compliqué d’installer une télécabine que de creuser dans des sols où les vestiges sont nombreux. Et pour la sécurité, est-ce que vous vous posez la question quand vous prenez l’ascenseur ? C’est la même mécanique. La hauteur de survol peut impressionner mais ce mode de transport est plus sûr que les autres, il existe des systèmes comparables aux stop-chutes des ascenseurs, les craintes ne sont pas justifiées. Quant à l’esthétique, regardez le funiculaire du château de Ljubljana en Slovénie, c’est un petit bijou.

Il y a tout de même une limite en terme de distance et de connexion avec les autres modes de transport ?

J.R.M. : Non, pas du tout, le plus long transport à câble qui ait existé – en Éthiopie dans les années 40 – parcourait 75km et proposait 12 tronçons et 13 stations. Je m’intéresse justement au génie urbain, dans l’agence, nous avons développé un savoir-faire autour du transport ; il a besoin d’être reconditionné, repensé dans un ensemble. Et l’accessibilité est un élément incontournable, il peut justement désenclaver des zones qui en ont besoin comme le plateau des Paradis à Meulan-en-Yvelines face aux Mureaux ou Goussainville, par exemple. Les habitants de Goussainville pourraient bénéficier d’un téléphérique long de 9km pour rejoindre Roissy (réserve d’emplois de 90 000 salariés) en moins de 30 minutes. Toutes les connexions sont possibles avec le transport par câble, c’est très flexible, il peut relier un bâtiment à un autre, une gare à une passerelle.

Les villes risquent d’être de plus en plus peuplées, le téléphérique est-il la solution pour se déplacer en ville demain ?

J.R.M. : J’aime bien dire qu’il faudra rendre individuel le transport collectif et collectif le transport individuel. Les pouvoirs publics mettent en place des vélos pour chacun ou des voitures électriques partagées, ils rendent collectif le transport individuel. Le transport collectif devient lui individuel quand, comme cela a été expérimenté à La Rochelle, le minibus autonome se déplace « à l’appel » même pour un unique passager. Et parallèlement, avec Uber ou Blablacar, nous voyons bien qu’une nouvelle économie est envisagée. Pourtant, nos installations sont archaïques : imaginez que 85% des conteneurs qui arrivent au Havre sont transportés vers Paris par la route, seulement 5% par la Seine alors que c’est la solution la plus écologique. Il est difficile de se projeter quand on n’a pas de référence. Mais la France est le principal constructeur de télécabines avec la Suisse, l’Italie et l’Autriche, et avec les nouvelles directives pour faire face aux problèmes environnementaux, nous avons bon espoir pour que les projets de télécabine aboutissent bientôt.

* A paraître en octobre 2016 aux Editions CARRE, l’atlas du transport à câble urbain : LES TRAMS DU CIEL® et autres systèmes à câble pour une ville moderne, désirable et durable de Jean Robert MAZAUD.

Crédit photo :

Austerlyon, projet image S’Pace ©Jean-Robert-Mazaud

 

 

Article publié sur Mondial du bâtiment
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