La valeur verte a-t-elle une influence et laquelle?

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Le Moniteur

1758 Dernière modification le 24/10/2014 - 09:09
La valeur verte a-t-elle une influence et laquelle?

Émergeante, la valeur verte se mesure plus par la décote des bâtiments les moins vertueux que par une survalorisation des plus performants. En tertiaire, elle est sans doute plus présente que dans l’habitat malgré la relative faiblesse du marché.

Existe-t-il une valeur verte ? La question ne se pose plus guère suite aux recherches menées depuis plusieurs années par différents organismes et institutions internationales. Il s’agit plus de savoir comment elle se définit, de mesurer son importance et de connaître ses effets. Car les fourchettes avancées pour la valeur supplémentaire (ou la décote) varient considérablement. « Il faut donc faire émerger des indicateurs de performances qui faciliteront  son identification », commente Frank Hovorka, directeur Immobilier durable à la Caisse des dépôts. Son existence s’impose, même si le marché, très écrasé du point de vue des valeurs, ne permet pas toujours aux professionnels de la valider ; un contexte plus dynamique les mettrait mieux au jour. En réalité, on mesure plus facilement une décote des immeubles dénués de vertu environnementale qu’une surcote des autres. L’un des indicateurs les plus significatifs de cette décote des immeubles les moins performants est le taux de vacance qu’ils atteignent. En France, les bâtiments certifiés et labellisés, comme dans d’autres pays (Etats-Unis, Hollande, Grande-Bretagne, Allemagne, etc.) font preuve d’après les plus récentes enquêtes d’une meilleure rentabilité. 

Retour rapide sur investissement

La même observation, dans le temps, montre que les écarts augmentent d’année en année. La plupart des critères d’attribution des certifications et labels actuellement proposés prennent fortement en compte (voire exclusivement) la performance énergétique. « Certaines études, comme celles menées  par Minergie, montrent que le surcoût investi dans  la construction pour une meilleure performance énergétique est récupéré deux fois en deux ans », explique Denis Burckel, directeur de l’audit et du développement durable d’Icade. Le Plan bâtiment durable a publié de son côté une étude, fondée notamment sur les résultats de l’enquête Dinamic, montrant une valeur supérieure de 14 à 27 % pour les maisons étiquetées A ou B, par rapport à une maison de catégorie D. Toutefois, ce constat est peut-être à modérer en raison de la « subtilité » des études et la tendance est loin d’être généralisée. Mais elle est d’avantage évidente là où la concurrence est plus forte et dans les régions les plus dynamiques économiquement.

Baux verts : un partenariat

Au-delà d’un classement énergétique, existe-t-il d’autres « voies » du verdissement et les baux verts ont-ils une influence dans le tertiaire ? Ils apportent une qualité d’exploitation certaine mais le recul manque quant aux effets réels puisque le lancement date de juillet 2013. Leur véritable mise en œuvre reposant au moins sur un retour d’expérience d’une année d’exploitation, on en est encore au stade de l’apprentissage méthodologique. Mais déjà, il est possible de lier leur réussite à la qualité du partenariat noué entre le bailleur et l’occupant. « Avec un pilotage efficace, les performances projetées il y a déjà quelques années  sont bien au rendez-vous dans des fourchettes qui  vont de 10 à 20 % de progression », assure Denis Burckel. Mais il faut se rendre à l’évidence que ces baux, dans les conditions actuelles, restent peu développés car perçus comme une contrainte administrative supplémentaire. « Peut-être faut-il  revoir et élargir les engagements entre locataires  et propriétaires  que la loi définit a minima », estime Frank Hovorka. Dans tous les cas, on est encore loin de l’effet de masse.

Frein culturel

Enfin, la rénovation n’est-elle pas une bonne manière de générer une valeur verte puisque la revalorisation des constructions permet certainement de les distinguer par leurs qualités énergétiques et/ ou environnementales. « A la condition qu’il s’agisse  d’une rénovation performante et que le marché soit  corrigé par la prise en compte de cette performance  par des indicateurs standardisés, souligne Frank Hovorka. Dans le logement et la maison individuelle,  la préférence au « coup de cœur » reste encore trop  largement prioritaire dans une démarche anxiogène  faute d’informations. Il faut une véritable éducation  à ces données environnementales. L’analyse du  cycle de vie et sa valorisation doivent être promues  pour devenir des critères de choix. Pour autant,  dans le logement, dans les marchés très tendus des  grandes métropoles, la question demeure « Vais-je me loger ou pas ? », ne laissant malheureusement  pas beaucoup de place à d’autres considérations. » A terme, cette valeur devrait forcément émerger et l’action des professionnels auprès du grand public devrait constituer un levier stratégique. Quelles dispositions pourraient aider à accélérer le mouvement ? Eventuellement une obligation réglementaire de la réhabilitation des locaux tertiaires telle qu’envisagée dans le projet de décret Gauchot. « Il est vrai que c’est souvent le levier réglementaire  qui fait progresser », remarque Denis Burckel.

LE DPE N’EST PAS UN INDICATEUR FIABLE.
«Le DPE n’a guère d’effet sur le tertiaire parce qu’il est peu adapté à ce secteur. Les labels énergétiques constituent les vrais critères d’évaluation, ou les critères énergétiques des certifications. Car il faut des indicateurs fiables, ce qui n’est pas le cas du DPE. Les prix de l’énergie n’ont pas encore atteint un niveau suffisant pour que l’alerte sur la dépense soit significatif. Cela reste pourtant un outil qu’il faudrait sans doute améliorer pour le rendre plus efficace. C’est par ailleurs sur le logement qu’on en mesurera le plus les effets. »

Denis Burckel, directeur de l’audit et du développement durable d’Icade

Publié dans les Cahiers Techniques du Bâtiment - 8èmes Rencontres de la Performance Energétique

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