La Réglementation Bâtiment Responsable 2020 (RBR 2020) : Un texte « SCHUMPETERIEN ».

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christian gerard

8170 Dernière modification le 19/05/2015 - 12:13
La Réglementation Bâtiment Responsable 2020 (RBR 2020) : Un texte « SCHUMPETERIEN ».

Par Christian Gérard, Expert énergéticien chargé des relations partenaires, EDF 

C’est par de nouvelles innovations que l’on évitera l’obsolescence quasi programmée des bâtiments conçus sans prendre en compte les innovations déjà existantes… Ou le principe de Schumpeter, la destruction créatrice, appliqué à la construction des bâtiments.

Le changement de paradigme entre la RT 2012 issue de plans quinquennaux améliorant les textes passés (globalement une version nouvelle tous les 5 ans), et la RBR 2020 n’a pas échappé à certains professionnels.

Entre les deux réglementations, il n’y a pas qu’une marche supplémentaire à gravir, mais surtout une route différente à prendre, pouvant amener les nouveaux projets immobiliers RT 2012 à une obsolescence accélérée prévisible. Le terme prévisible est ici préféré  à celui de « programmée », que l’on retrouve dans quelques éditos, assez lié à la loi sur la transition énergétique et à la loi HAMON (article 213-4-1) qui font plutôt références à une tromperie sur les produits de consommation courants, ce qui n’est pas tout à fait le cas pour les nouveaux bâtiments.

En même temps, dans un futur proche, il existe un fort risque réglementaire pour les investisseurs, alors que des solutions existent, de concevoir et construire des objets déconnectés de leur environnement et présentant une obsolescence plus rapide encore que celle décrite au travers du document montré à l’IEIF, par Mr Jean CARASSUS, le 22 octobre 2013. Pour mémoire, cette étude montrait que les immeubles franciliens non HQE étaient tombés en désuétude en moins de 6 ans.

La RBR 2020 permettra d’embarquer dans la conception, la construction, l’exploitation d’autres lois (code de l’énergie, transition énergétique notamment), d’autres solutions issues des nouvelles technologies de l’information et de la communication actuellement ignorées par la RT 2012.

Dans la suite de l’exposé nous essaierons de démontrer de façon simple et rapide, les apports de la RBR 2020 sur certaines recommandations, notamment la gestion de l’énergie, le confort, le bilan carbone face à un calcul réglementaire existant et en tenant compte des dernières études. Car c’est un fait, presque tous les outils et innovations existent déjà pour anticiper cette évolution, voire révolution dans la façon de concevoir le bâtiment.

CONSOMMATION D’ENERGIE : DU PRINCIPE A LA REALITE.

Comment sont prises en compte les consommations issues de tous les usages nécessaires aux services rendus par un immeuble ? Pour ce cas d’espèce, nous prendrons en considération le contenu et les usages, le carbone et le coût global d’exploitation.

La consommation calculée selon les réglementations thermiques existantes estompe certaines réalités dues aux usages, au confort ou aux services rendus par les bâtiments.

L’exemple typique est celui du secteur tertiaire, où les multiples usages découlant des services rendus (bureautique, ascenseurs, froid alimentaire, cuisson, etc) ne sont pas pris en compte.

Les températures de référence sont aussi basées sur des valeurs qui sont rarement acceptables par l’ensemble des usagers selon leur métabolisme, en effet 19 °C en chauffage et 26° en climatisation engendrent des inconforts réels pour une partie importante de la population (environ 15 %, pour le chauffage, selon la norme ISO 7730).

Dans certains cas spécifiques (personnes âgées) le taux d’insatisfaction devient bien supérieur.

De plus, dans un bâtiment BBC, le chiffre littéral de 7% d’augmentation de la consommation de chauffage par degré supplémentaire, admis actuellement, est faux. Ce constat a été notamment démontré par le BE ENERTECH sur des retours d’expérience en logement.

La surconsommation peut être supérieure à 30 % par degré centigrade. Cette thématique est importante, notamment pour la garantie de consommation réelle. Cette surconsommation dépend non seulement de la température extérieure mais aussi de la température d’équilibre du bâtiment, appelée température de non chauffage, qui ne peut être approchée sans avoir réalisée une Simulation énergétique dynamique (SED) incluant tous les usages.

Le taux d’occupation également, ramené à la surface, est oblitéré, un taux d’occupation optimisé est vecteur de rentabilité pour la maîtrise d’ouvrage, en terme de surface utile nette ou de surface de vente, il engendre en même temps une installation d’équipements supplémentaires qui n’apparaissent pas dans la SHONRT.

En caricaturant à l’extrême, un seul bureau occupé dans une tour de La Défense peut faire apparaître un calcul réglementaire avec une consommation bien inférieure au label BBC mais sans aucune efficacité économique. De même en grande distribution pour des locaux à faible surface de vente.

La surface SHONRT est donc peu adaptée à l’utilité du bâtiment.

Autre exemple typique, celui du logement, avec les arrivées en force du multi-média culturel et des nouveaux équipements électroménagers, où la consommation des usages spécifiques de l’électricité (produits bruns et produits blancs) a fortement augmenté. L’équipement n’est plus « ménager » mais lié aux individus d’un ménage.

Cette consommation nouvelle participant même à l’accélération du  phénomène de pointe sur le réseau électrique français.

Ce constat est d’autant plus sensible en social et très social, où le comportement sédentaire et peu mobile  des personnes les « obligent » à utiliser le multi-média culturel ( télévision, internet) de façon constante. 

Figure n°1 : Exemple de consommation dans le secteur du bureau :

SED (simulation énergétique dynamique) d’une tour de 44000 m² en énergie primaire tous usages sur un scénario d’utilisation plus réaliste que la RT 2012 (21°C en chauffage, temps d’occupation plus large, cuisine RIE, éclairage avec albédo mobilier et décoration < 0,2, petits locaux onduleurs, serveurs et télécoms).

Malgré une température de confort de 21°C en chauffage, la consommation non prise en compte par le calcul réglementaire (usages NC)  représente 53% des consommations. Ce qui est vrai aussi pour le coût de la facture énergétique. En coût global d’exploitation cet écart devient extrêmement élevé.

Les consommations hors réglementation thermiques sont souvent issues d’usages demandant une puissance importante (cuisson, informatique). Ils sont oubliés dans la performance énergétique alors qu’ils peuvent être sources d’optimisation (récupération de chaleur, pilotage des puissances).

A noter que la pointe de puissance électrique du quartier de La DEFENSE est méridienne, entre 12 et 14 heures, lorsque la restauration fonctionne à plein régime. C’est une pointe locale, voire territoriale et qui ne dépend pas du chauffage. Ce type d’appel de puissance se retrouve dans d’autres quartiers d’affaires tertiaires comme à Issy les Moulineaux (Issy GRID).

Même si ce cas particulier concerne un bureau « prime » à haute fonctionnalité visant commercialement des sièges sociaux où les usages non conventionnels sont plus élevés que pour des bureaux classiques, il montre un écart conséquent avec la réglementation thermique.

Pour  d’autres cas, la consommation conventionnelle peut ne représenter que 30%.

En aparté, le décret du 19 mars 2007 et l’arrêté du 23 décembre 2007 sur les études énergétiques préalables ne tiennent compte également que de la consommation conventionnelle.

Cette façon d’appréhender les projets peut engendrer des calculs erronés en termes de coût global d’exploitation et de temps de retour. Qui plus est dans un contexte d’ouverture du marché de l’énergie, issu du code de l’énergie (loi NOME), qui requiert une vision globale de la puissance appelée et consommée de tous les usages nécessaires à l’utilisation du bâtiment.

Figure n°2 : Exemple de consommation dans le secteur du logement :

Ce tableau des consommations électriques spécifiques, issu de l’étude européenne REMODECE et adaptée à la surface moyenne d’un logement français actuel de 60 m² (source INSSE), montre que 70 % de la consommation d’énergie primaire n’est pas prise en compte par la RT 2012, soit 80% de la facture énergétique.

En effet les 114 kWhep sont à comparer aux 50 kWhep concernant les autres usages conventionnels inclus dans le calcul réglementaire.

CAS DE LA PUISSANCE INSTALLEE ET PILOTEE

Dans ce retour d’expérience, la gestion de l’énergie sur le volet de la puissance installée, appelée et pilotée sera plus particulièrement analysée en référence à l’article 1.1 du rapport V3 intitulé « Cap sur le futur « bâtiment responsable » issu du plan bâtiment durable. L’énergie grise sera aussi évoquée mais non simulée.

En effet, l’un des aspects oubliés de la réglementation RT 2012 sur la performance énergétique des bâtiments est celui concernant la puissance installée et appelée.

Pour un producteur d’énergie quel qu’il soit, l’aspect gestion temporelle et puissance appelée doivent être connus de façon précise, cette connaissance permet également de mieux appréhender, mieux intégrer la capacité de production électrique d’un immeuble et son injection solidaire dans le réseau d’alimentation électrique du concessionnaire, tout en le sécurisant.

Hors, la réglementation actuelle sur la puissance électrique est inadaptée aux bâtiments peu énergivores, notamment BBC.

50 kWh/m² ne veut pas dire grand chose, est ce que c’est 25 W sur 2000 heures, 50 W sur 1000 heures et à quel moment de la journée ou de la saison ? 

Les trois figures suivantes montrent les difficultés d’interprétation et/ou de calcul et qu’il est indispensable de passer par une SED pour obtenir un dimensionnement dynamique. La puissance installée aujourd’hui est calculée de façon statique à partir de ratios (guide pratique de la NFC 15 105 ou à dires d’expert) :

Sur la première figure qui reflète un retour d’expérience de sites pris au hasard dans le secteur des bureaux, en tout électriques, mixtes (réseau urbain et électrique) ou touts réseaux urbains, on peut voir que la puissance installée en vert est toujours surdimensionnée par rapport à la puissance appelée maximale en rouge :

Un constat simple : 167 VA d’installés en moyenne pour 66 VA en puissance mesurée moyenne pour des bâtiments relativement récents (RT 2000).

Dans la deuxième figure, l’exemple en conception de puissance du bâtiment 270 d’ICADE EMGP (premier bâtiment RT 2000,  certifié HQE en bureaux privé d’environ 10000 m²) démontre qu’il est possible de faire autrement que la moyenne.

Figure n° 4

Le choix  d’une puissance installée divisée par 2 a permis d’économiser 25%  des travaux sur une partie du lot courant fort (transformateur, TGBT, câbles, armoires de distribution notamment), tout en respectant la réserve de puissance pour les preneurs et ce, malgré des locataires dont les équipements électriques et les températures de confort étaient supérieurs à la moyenne (matériel bureautique plus important, température de 22°C en hiver et 24°C en été).

Dans la troisième figure, pour un bâtiment de bureaux standard RT 2012 en tout électrique de 33000 m², la simulation énergétique dynamique permet de prévoir un appel maximal de 1944 kW sans relance optimisée. Avec une relance optimisée et un pilotage plus fin (maintien d’une température ambiante de 20°C en fonction des périodes froides les samedi-dimanche en utilisant l’inertie du bâtiment), la puissance appelée est abaissée à  1244 kW, soit environ 36% (700 kW).

Figure n° 5

Ce bâtiment a été dimensionné par des ratios statiques réglementaires avec une puissance électrique installée de 4500 kW, soit 56 % de plus pour une utilisation standard et 72 % avec un pilotage plus fin.

L’analyse de ce graphique permet au regard de la valeur verte et des recommandations de la RBR 2020 de démontrer les constats suivants, sans que cela soit exhaustif :

  • 1. La simulation énergétique dynamique permet un dimensionnement plus fin, une aide à l’exploitation et une vision plus réaliste des énergies consommées (aide au calcul du coût global).
  • 2. Sur le CAPEX : Des gains d’investissements sur les lots courants forts et CVC, environ 25%.
  • 3. Sur l’ OPEX : Des gains en coût d’énergie, environ 15% à 20%.
  • 4. Il se peut, si elle est prévue, qu’une production d’EnR soit concomitante à la consommation d’énergie pendant le maintien des températures de consigne inoccupation (utilisation de l’énergie gratuite) avec un pilotage de type « smart grid ».
  • 5. Une économie d’énergie grise avec moins de matières premières.
  • 6. Développer à priori une stratégie d’effacement, d’une maîtrise de la puissance et de la pointe en corrélation avec divers signaux (température intérieure, température extérieure, signaux prix, production d’EnR internalisée).
  • 7. La relance tardive engendre un inconfort sur les deux  premières  heures  d’occupation  des  locaux (qui n’a pas ressenti une certaine fraîcheur les lundis  matin  d’hiver  ?)  et  oblige  à  installer  une  surpuissance  néfaste  au  rendement  des  systèmes. Les  principales  conséquences  sont  une  surconsommation  annuelle  non  compensée  par  l’arrêt en  inoccupation  et  un  vieillissement  prématuré  des installations. 

Des outils et des matériels qui permettent d’anticiper.

Les réflexions de SCHUMPETER sur le rôle de l’innovation dans l’économie (innovation de produit, innovation de procédé, innovation organisationnelle, nouveau marché, nouvelles sources de matières premières) peuvent être mises en parallèle avec les idées directrices du groupe RBR 2020-2050 :

  • 1. Penser décentralisé.
  • 2. Penser global, et penser le bâtiment comme un élément intelligent du territoire.
  • 3. Penser contenu et usages.
  • 4. Penser le bâtiment responsable comme vecteur d’innovations industrielles.
  • 5. Agir de manière responsable et solidaire, et entraîner les citoyens vers un nouveau comportement

Il est possible d’ores et déjà aux  travers des logiciels, des applications numériques, des produits industriels de « booster » la RT 2012  en vigueur avec ces idées directrices, afin d’éviter une obsolescence quasi programmée des bâtiments qui auront été conçu sans prendre en compte les innovations actuelles.

Article paru dans Réflexions Immobilières N°72. 2e Trimestre 2015 (article en PDF)

Bibliographie :

http://www.lemoniteur.fr/150-performance-energetique/article/actualite/27434357-le-bepos-va-doper-l-obsolescence-architecturale-technique-et-economique-des-constructions-paul-etien Paul-Etienne DAVIER

Jean CARASSUS : document intitulé « Immobilier : 2013, et après… IEIF le 22 octobre 2013

Thèse PARIS TECH: Développement de modèles de bâtiment pour la prévision de charge de climatisation et l’élaboration de stratégies d’optimisation énergétiques et d’effacement de Thomas BERTHOU.

Pratiques culturelles, le choc numérique de Xavier Molénat

Une société dispersée, Eric Le Breton

Surface des logements : Enquête INSEE 2006.

Age des occupants du parc Social : Source OLS, enquête DPS 2006

Population âgée : source AP-HP 2006.

Consommations spécifiques d’électricités : Enquête européenne REMODECE 2009

Retours d’expérience : Sources EDF

Puissance : UTE C15-105, NFC 63 140, NFC 14 100, SCHNEIDER

Code de l’énergie : Loi NOME (Nouvelle organisation du marché de l’énergie)

Norme ISO 7730 sur le confort.

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