La mobilité urbaine, une réalité multifacettes

Rédigé par

Vivien Bénard

Community manager salon Pollutec

3540 Dernière modification le 12/09/2014 - 11:55

 

Élément fondamental de l’aménagement urbain, la question de la mobilité concentre à elle-seule les principaux enjeux de notre planète : pollution / santé (air, bruit), ressources et changement climatique.

Elle a aussi d’importantes répercussions sur le plan économique (dépenses publiques, développement des entreprises,…) et sur le plan social (vie des ménages). Ce levier du développement durable connaît aujourd’hui des évolutions sans précédent. Bref ça bouge dans le secteur…

--> La mobilité urbaine sur Pollutec.

Les réflexions sur la mobilité urbaine ne sont pas nouvelles, loin de là. Ce qui évolue, c’est la manière dont on aborde les choses : on ne se situe plus dans le seul prisme des moyens de transport mais dans un cadre beaucoup plus large qui englobe l’organisation des activités dans la ville, les pratiques sociales, la qualité des espaces et le développement urbain. Et aujourd’hui, la dimension environnement / santé / climat revêt une importance accrue dans les comportements de mobilité.

La ville étant avant tout un lieu d’échanges, la mobilité en est un élément constitutif fort. Des indicateurs montrent que la part modale de la voiture tend à baisser au profit de la marche, des transports en commun et du vélo(1). Cependant, ceci ne concerne, pour l’instant, que les grandes agglomérations. Et encore, le taux avoisine 60% dans des villes comme Bordeaux, Strasbourg, Lyon, Marseille ou Lille, contre 38% en Ile-de-France.

Dans la région capitale, la part de la marche est plus importante (39% vs 20% à 30% dans les autres villes) tout comme celle des transports collectifs (20% vs ± 10% dans les autres villes). Alors que le nombre moyen de déplacements par personne et par jour se situe autour de 3,8 dans l’ensemble de ces villes, les temps de déplacement sont d’une heure en région et d’1h30 en Ile-de-France, en moyenne.

Les grands traits de la mobilité

Selon l’Institut pour la ville en mouvement, la mobilité s’effectue dans des espaces urbains plus complexes (cf. métropolisation, périurbanisation, spécialisation des espaces), d’où une modification de l’offre traditionnelle de transports. La mobilité a aujourd’hui une double référence, à la fois « territoires » et « réseau » : c’est moins la distance kilométrique qui compte que le temps pour aller d’un endroit à un autre (on revoit sa mobilité en fonction de ses pratiques spatiales).

De plus, la mobilité dépend toujours plus fortement de la variable vitesse (à cet égard, la voiture constitue toujours un « adaptateur territorial » selon cet institut porté par PSA Peugeot Citroën). Enfin la mobilité est modelée par des modes de vie et des pratiques spatiales plus diversifiées : on n’est plus dans la seule logique binaire des déplacements domicile/travail qui ne représentent que 18% des trajets (29% si l’on ajoute les déplacements secondaires liés au travail)(2).

Une approche plus intégrée

Longtemps associée aux seuls équipements roulants (voiture et transports en commun), l’approche de la mobilité urbaine se fait plus intégrée aujourd’hui. La loi dite Loti avait introduit dès 1982 la notion de plans de déplacements urbains (PDU), devenus obligatoires dans la loi Laure de 1996 renforcée ensuite par la loi SRU de 2000, qui insistait sur la cohérence territoriale(3).

En trente ans, les PDU ont montré leur efficacité sur les pratiques de mobilité des habitants : baisse de l’usage automobile dans les grandes agglomérations, hausse des transports en commun et des modes actifs. De nombreuses agglomérations moyennes se sont elles-mêmes engagées dans ce type de démarche d’une manière volontaire. Aujourd’hui, le PDU est d’ailleurs pris comme modèle dans le « plan de mobilité urbaine durable » promu par l’Europe.

Une offre qui s’adapte

Loin de s’arrêter à la seule mobilité électrique, la mobilité urbaine couvre un large spectre, allant des conditions de déplacement en ville à la logistique urbaine sans oublier les transports en commun et les mobilités actives.

Les transports en commun couvrent les matériels de type métro, tram ou tram/train (ex. : Alstom), les bus à haut niveau de service : HNS (ex. : Transdev), les navettes fluviales ou maritimes, le transport par câbles/téléphérique (ex. : Poma), le funiculaire ou encore le train à crémaillère. Les mobilités actives regroupent la marche et le vélo. Elles font l’objet d’un Plan national d’action en six axes depuis mars 2014.

Selon l’enquête nationale 2013 menée par le Club des Villes et Territoires Cyclables, le vélo conforte sa place dans les stratégies de mobilité et la gouvernance vélo se renforce au sein des collectivités (cf. chargés de mission vélo, budget dédié, instances d’information des usagers,…), en parallèle à l’émergence de priorités et de grands chantiers pour 2014-2020.

Cet Observatoire des mobilités actives souligne aussi que les aménagements dédiés au vélo en ville ne se limitent pas aux pistes cyclables : ils englobent les doubles sens, les sas cyclistes, les zones apaisées (zones 30, zones de rencontre dans les centres villes),…

Seule reste encore en attente forte la question du stationnement des vélos en ville qui, aujourd’hui encore, en dissuade plus d’un d’opter pour ce mode doux au quotidien. Pourtant les solutions existent (cf. arceaux, consignes, boxes, garages gardés, stations avec ombrières PV pour vélos à assistance électrique,…).

La mobilité urbaine englobe également les services de transports comme le covoiturage(4) (ex. : Blablacar qui a levé 100 millions de dollars, soit 73 M€, début juillet pour renforcer son développement à l’international), l’auto-partage (ex. : OuicarMove About ou encore une nouvelle offre associant Nexity, Hertz et Ubeeqo prévue pour octobre 2014) et les vélos en libre-service.

Elle couvre aussi tout ce qui relève des TIC (ex. : logiciels de cartographie de type Moviken, billettique dématérialisée, technologies sans contact,…) et des infrastructures intelligentes (systèmes de gestion de flux de trafic, stationnement intelligent, bornes de recharge).

Enfin, la mobilité urbaine comprend aussi les solutions pour véhicules connectés et autres produits comme les dispositifs de réduction de la consommation de carburant, les capteurs intelligents, les capteurs de pression de pneus, les batteries ou encore les roues électriques.

Tout ceci doit permettre de faciliter les conditions de déplacement en favorisant la multi-modalité, l’intermodalité, l’accessibilité pour tous et l’interopérabilité (on parle de « continuité servicielle » des systèmes de transports intelligents ou STI).

Le dernier appel à projets « Transports collectifs et mobilité durable » du Medde a rassemblé près de 120 projets qui seront soutenus à hauteur de 450 M€, l’investissement global portant sur près de 5,8 mrds d’euros. Parmi ces projets figurent plusieurs systèmes de transports en commun, des projets favorisant le vélo mais aussi des solutions d’information multimodale ou pôles d’échange multimodaux.

S’agissant de la logistique urbaine, la question du « dernier kilomètre » devient de plus en plus cruciale dans les agglomérations, tant sur le plan des pollutions (particules, bruit,…), du climat (gaz à effet de serre) que sur le plan de la congestion du trafic et de la sécurité en ville. L’association Orée et le Comité 21 travaillent ensemble depuis 2012 sur ce sujet dans l’objectif de dresser un état des lieux et de promouvoir les bonnes pratiques.

Leur enquête conjointe « Dialogue partie prenantes sur la logistique durable - Vers une démarche territoriale » souligne que le secteur global se caractérise par une forte concurrence et un objectif de moindre coût, d’où la difficulté à travailler avec l’ensemble des parties prenantes, alors que ceci serait nécessaire pour obtenir une meilleure appropriation et une meilleure mise en œuvre d’opérations appropriées.

Un projet à suivre

Le projet européen Opticities sur la mobilité urbaine intelligente associe Birmingham, Göteborg, Lyon, Madrid, Turin et Wroclaw dans le but d’offrir les meilleures conditions de déplacements urbains et d’optimiser la logistique urbaine (cf. tests de STI interopérables applicables dans n’importe quelle agglomération d’Europe). Lancé fin 2013 pour trois ans, ce projet bénéficie d’un budget de 13 M€.

 

Quelles perspectives ?

En décembre 2013, la Commission européenne a proposé un nouveau paquet de mesures visant à davantage soutenir les villes européennes dans leurs efforts pour relever les défis de la mobilité urbaine (cf. communication « Ensemble vers une mobilité urbaine compétitive et économe en ressources »).

A travers ce « Paquet mobilité urbaine », elle vise à favoriser le partage d’expériences et de bonnes pratiques dans le domaine du transport urbain (cf. mise en place dès 2014 d’une plate-forme européenne pour les plans de mobilité urbaine durable inspirés notamment des PDU).

Elle souhaite également offrir des aides financières ciblées à travers les fonds européens structurels et d’investissement, en particulier dans les régions les moins développées. Elle entend mettre l’accent sur la recherche et l’innovation, principalement à travers la deuxième initiative Civitas(5).

Enfin la Commission européenne s’attache à renforcer la participation des Etats-membres ainsi que la coopération internationale dans ce domaine.

Lors d’une conférence nationale sur les transports intelligents en février 2014, le secrétaire d’Etat aux Transports, Frédéric Cuvillier, a annoncé la construction pour 2015 d’un grand calculateur d’itinéraires national multimodal (avec l’AFIMB, agence pour l’informatisation multimodale et la billettique) et le déploiement expérimental, dans le cadre du projet européen SCOOP@F, de plus de 3 000 véhicules communicants sur 2 000 km de routes connectées (cf. 5 à 6 sites pilotes en IDF, à Bordeaux et en Isère).

Il a également annoncé la mise en place d’une « Fabrique de la mobilité 2.0 » destinée à rassembler les différents acteurs concernés et le lancement d’un débat national consacré à l’ouverture des données publiques dans le domaine des transports. Rappelons aussi que le transport et la mobilité durables constitueront l’un des trois grands axes de la Conférence environnementale de l’automne 2014, avec la croissance verte et la perspective COP21.

Notons aussi que dans le cadre de la Charte « Entreprises et quartiers » signée par les groupes PSA et Vinci, les trois fondations d’entreprise PSA Peugeot Citroën, Vinci pour la Cité et Vinci Autoroutes pour une conduite responsable lanceront en septembre 2014 un appel à projets commun en faveur d’initiatives locales sur la mobilité à destination des acteurs associatifs de terrain.

Les projets retenus bénéficieront d’un soutien financier et d’un parrainage de salariés des deux groupes. L’objectif visé est d’amplifier l’impact social des projets soutenus et de croiser des expertises sur un thème commun : « la mobilité au service de l’insertion sociale et professionnelle dans les zones urbaines et péri-urbaines ».

Quelques acteurs de la mobilité urbaine

Entreprises :

  • Greenovia (groupe la Poste) : expertise sur l’ensemble de la chaîne de valeur du transport et de la mobilité responsable ;
  • Advansolar, Clean Energy Planet, EV Tronic… : stations de charge pour véhicules électriques ;
  • EZ-Wheel* : roue électrique autonome intégrée et plug & play pour petits matériels roulants ;
  • Smart Grains : carte en temps réel des places de parking disponibles ; Suez Environnement : télégestion des déplacements, régulation du trafic, logistique de proximité pour mutualiser les flux (via Ineo Systrans) ; Vinci Energies : réseaux d’éclairage pour transports en commun (via Citeos) et bornes de recharge ;…

Institutionnels :

  • Advancity - Ville et mobilité durables (cf. Comité stratégique EcoMobilité axé « nouvelles mobilités et efficience des transports urbains » - ex. : projets Horus, Navitransports, Pumas,…) ;
  • Pôle Véhicule du Futur - Solutions pour véhicules et mobilités du futur (énergie & propulsion ; cycle de vie ; infrastructures & communication ; services de mobilité) ;
  • VeDeCoM - Véhicule Décarboné Communicant et sa Mobilité : institut de recherche partenariale publique-privée et de formation dédié à la ‘mobilité individuelle décarbonée et durable’ (électrification des véhicules ; délégation de conduite et connectivité ; mobilité & énergie partagées). VeDeCoM est devenu institut de la transition énergétique (ex-IEED) du PIA après la signature d’une convention avec l’ANR.

Article publié sur le blog Capteur d'Avenir - Consulter la source


*A l’instar de Move About (auto-partage pour entreprises, en Europe du Nord) et de Ouicar (location de voitures entre particuliers), la jeune société EZ Wheel a bénéficié du fonds européen multicorporate Ecomobilité Ventures proposé par SNCF, Orange et Total.

(1) Cf. Baromètre de la mobilité urbaine, Certu (devenu Cerema), Août 2013
(2) Les autres types de déplacements comprennent les trajets domicile/loisirs ou visites (16%), domicile/achats (14%), domicile/accompagnement (12%), domicile/études (11%), domicile/affaires personnelles ou autres (6%) et trajets secondaires non liés au travail (12%).
(3) Loti : Loi d’orientation sur les transports intérieurs (1982) ; Laure : Loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (1996) ; SRU : Loi Solidarité et renouvellement urbain (2000).
(4) La notion de ‘co-voiturage’ doit encore être précisée sur le plan juridique.
(5) Civitas soutient les partenariats locaux dans la mise en œuvre et l’expérimentation de nouvelles approches dans des conditions réelles en matière de réduction aussi bien des embouteillages urbains, que de l’utilisation des véhicules fonctionnant aux carburants traditionnels ou de l’impact et des coûts du fret urbain et en matière de renforcement des capacités des autorités locales pour élaborer et mettre en œuvre des plans de mobilité urbaine durable.

Partager :