La France, pionnière de l'énergie hydroélectrique

Rédigé par

Olivier Giraud

4189 Dernière modification le 26/07/2016 - 12:22
La France, pionnière de l'énergie hydroélectrique

La France exploite la force de l’eau en tant que source d’énergie renouvelable depuis des siècles, et en tant que source d’électricité depuis plus de 100 ans. Si la technologie n’a pas connu de bouleversements majeurs depuis ses débuts, elle est encore loin d’avoir utilisé tout son potentiel.

Histoire d’eaux

Certes, au regard des usages de la force motrice de l’eau, la production d’électricité d’origine hydraulique (ou hydroélectricité) est plutôt récente : les premiers moulins à eau servant à l’irrigation ou à la construction remontent à l’Antiquité, alors que l’hydroélectricité est contemporaine, logiquement, des premiers usages industriels de l’électricité, il y a environ un siècle et demi. Prenant place alors parmi les grandes nations industrialisées, la France du 19ème siècle a commencé à se doter d’un patrimoine hydroélectrique à la mesure de ses besoins, patrimoine qu’elle a agrandi sans cesse durant les décennies suivantes, notamment grâce au régime de la concession : l’Etat confiait alors pour 75 ans l’exploitation d’une chute d’eau à un exploitant, charge à lui de réaliser les aménagements nécessaires. Un tel dispositif a favorisé l’essor de la technologie.

Ainsi, « Plus « saine » des trois grandes branches des énergies renouvelables, avec le solaire et l’éolien, l’hydroélectricité est une solution évidente : elle repose sur des technologies totalement matures et ne présente pas de caractère intermittent. Pour ces raisons, c’est une énergie particulièrement appréciée sur les réseaux », assure Pierre-Marie Hénin, PDG d’Euro Blue Power, une entreprise spécialisée dans la conception et l’exploitation de centrales dites de « petite hydroélectricité », dont la puissance est inférieure à 4,5 MW. Et en termes de « durable », l’hydroélectricité a de quoi voir venir : « Une centrale produit en continu pendant des décennies, voire plus : les plus anciennes produisent depuis plus d’un siècle ! », ajoute le PDG d’Euro Blue Power. C’est bien connu, la France n’a pas de pétrole, mais elle a des idées, et surtout un formidable potentiel hydraulique : des Alpes jusqu’en Bretagne et Normandie, en passant par le Rhin ou la Gironde, partout où s’écoule de l’eau de manière constante et prévisible, il est possible d’utiliser cette énergie à de multiples fins. La France a par exemple développé dans les années 1960 l’une des deux seules usines marémotrices du monde (avec la Corée du Sud). « Quarante-cinq ans après, cette usine est une incontournable vitrine technologique des énergies maritimes et renouvelables », peut se targuer Céline Dusservais, chargée de communication pour EDF, exploitant la centrale.

Certes, l’hydroélectricité ne pourra pas elle seule satisfaire l’intégralité des besoins énergétiques nationaux, mais le potentiel restant à exploiter est énorme et pourrait permettre d’atteindre les objectifs en matière de production d’électricité « verte » (ou en tout cas de s’en rapprocher).

Des pistes encore peu exploités

La plupart des personnes pensent « barrages » lorsque l’on évoque l’hydroélectricité. Or, l’idée de construire de grands murs de bétons dans les Alpes et d’inonder des vallées n’est plus très populaire. De toute de façon, c’est déjà fait partout où il était intéressant de le faire, vestiges utiles d’une époque où la conscience environnementale n’était pas aussi développée. Pour autant l’hydroélectrique « traditionnel » n’a pas dit son dernier mot : « le taux d’équipements français est nettement insuffisant : selon le syndicat France Hydroélectricité, il resterait 2500 MWatt de potentiel à installer. Avec une puissance moyenne par centrale installée d’environ 1 MWatt (hors grands barrage), 2500 projets seraient donc encore possibles », précise encore Pierre-Marie Hénin, PDG d’Euro Blue Power. Spécialiste des projets de petite hydroélectricité « sur terre », Euro Blue Power est bien placée pour connaitre le potentiel restant, d’autant plus qu’une implantation hydroélectrique « type » lève deux obstacles généralement rédhibitoire en matière de transition énergétique : le financement et l’impact paysager. « La petite hydroélectricité est pratiquement sans impact sur l’environnement et sur les cours d’eau : nous limitons au maximum l’impact paysager de nos projets, avec une centrale rentable et rémunératrice pour tous les intervenants, des investisseurs aux collectivités locales », résume le PDG d’Euro Blue Power.

Mais il n’y a pas que sur le continent que le recours à l’hydroélectricité est possible. Au-delà de l’énergie des marées, l’hydroélectricité en mer, sur base d’hydroliennes, est en plein développement. Selon Engie (anciennement GDF-Suez), « La France occupe une position unique en matière de potentiel hydrolien puisqu’elle dispose du deuxième gisement énergétique hydrolien en Europe, après le Royaume-Uni. Ce gisement, estimé entre 3 et 5 gigawatts (GW), représente une capacité de production supérieure à celle de deux réacteurs nucléaires de type EPR. » Là encore la France entend jouer un rôle industrielle moteur à l’échelle mondiale : « La technologie hydrolienne, expérimentée en partenariat avec DCNS sur le site EDF de Paimpol-Bréhat, fait partie de ces nouvelles énergies prometteuses non-émettrices de dioxyde de carbone. La réussite de ce projet est un jalon clé avant la réalisation par EDF Energies Nouvelles d'une ferme hydrolienne à plus grande échelle, avec l'ambition de créer à terme une nouvelle filière industrielle française », explique Antoine Cahuzac, Directeur Exécutif du Groupe EDF.

Mais tout ne repose pas non plus sur de grands projets industriels en matière d’hydroélectricité. Il est possible qu’un jour des centrales hydroélectriques soient installées… dans la tuyauterie domestique. « Il s'agit d'un procédé encore récent et peu développé. Le principe est d'équiper des canalisations d'eau potable de microturbines qui se servent de la gravité pour produire de l'énergie. Les puissances concernées sont très faibles – 380 kW pour les deux microturbines de l'agglomération de Nice, par exemple –, mais l'investissement initial est faible, l'impact environnemental quasi nul, et le débit, régulier et assuré », fait valoir Alain Liébard, directeur de publication de l’Observ’er dans son Baromètre 2011 des énergies renouvelables en France réalisé pour l’ADEME.

Très peu répandu, ces systèmes commencent néanmoins à intéresser les collectivités qui exploitent d’importants réseaux, où l’eau circule avec une certaine force. C’est tout le principe d’un château d’eau : pomper l’eau en hauteur pour ensuite la redistribuer par gravité et principe des « vases communicants ». Or rien n’interdit de mettre une turbine sur le trajet de l’eau. En novembre 2014, la Polynésienne des eaux a d’ailleurs inauguré un tel dispositif dans la ville de Vaimarama : « 2 micro-turbines hydrauliques de type « pompe inversée » d’une puissance de 30 et de 11 kW, capables de produire une électricité 100% renouvelable uniquement grâce à la force des mouvements de l’eau. […] dans les tuyaux du système de distribution d’eau potable de la vallée de Titioro. » Il est vrai que l’Outre-Mer se sent bien plus concerné par les questions énergétiques et une éventuelle autonomie que la Métropole, encore adossée à son parc nucléaire.

Stockage d’énergie

Usage connexe mais intéressant de l’hydroélectricité, elle peut aussi servir à stocker de l’énergie, pour les autres énergies renouvelables. Ces systèmes sont dénommés STEP pour Stations de Transfert d’Energie par Pompage.  « Les STEP se basent sur l’énergie hydraulique liée aux barrages. Cette technologie mature constitue la première capacité de stockage de l’électricité dans le monde (environ 99%) », précise ainsi Arcelor Mittal. « La STEP prend sa propre place en termes de durabilité et d’efficacité dans une approche globale de stabilisation du Grid », explique Sigrid Jacobs, directrice d’un portefeuille d’aciers électriques pour la R&D d’Arcelor Mittal. Le « Grid », c’est le réseau électrique dit « intelligent » sur lequel il faut faire correspondre production et consommation d’électricité.

Le problème avec les énergies renouvelables comme le solaire et l’éolien, c’est que les heures de production et de consommation ne correspondent pas forcément, d’où l’intérêt de trouver des solutions de stockage. Dans le cas de l’hydroélectricité, c’est assez simple : le surplus d’énergie sert à pomper de l’eau en hauteur, dans des réservoirs spécialement aménagés. Cette réserve d’énergie gravitaire est ensuite utilisée à la demande. Une utilisation supplémentaire qui permet de penser que la plus ancienne source d’énergie renouvelable de nos sociétés est peut-être celle qui a le plus d’avenir. 

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