Grand Paris : des enjeux électriques spécifiques

Rédigé par

APC Cécile Gruber

Directrice de la Communication

1857 Dernière modification le 19/12/2014 - 16:30
Grand Paris : des enjeux électriques spécifiques

L’Agence Parisienne du Climat organisait fin septembre un atelier consacré aux enjeux territoriaux liés à l’électricité spécifique, en prenant appui sur le projet du Grand Paris : soutenabilité électrique des projets urbains, évolutions et enjeux liés à l’expansion des usages spécifiques de l’électricité étaient au cœur des discussions.

L’émergence de la métropole mondiale et européenne, attendue à travers la réalisation du Grand Paris, va engendrer une multiplication des besoins énergétiques du territoire, notamment de la consommation en électricité spécifique * : nouveaux logements, nouveau réseau de transport, véhicules électriques, datacenters, etc. La demande accrue de cette dernière, qui représente déjà la principale source d’énergie consommée dans le bâti parisien, va nécessiter de travailler à un approvisionnement sûr et de qualité. Plusieurs acteurs impliqués dans l’enjeu de la soutenabilité électrique du Grand Paris étaient réunis en septembre dernier pour participer à l’atelier “L’électricité spécifique, nouvel enjeu pour la consommation énergétique du territoire ?”, organisé par l’Agence parisienne du climat (APC).

Ouvrant le bal des interventions, la DRIEE a présenté ses travaux pour quantifier les futurs besoins énergétiques, mesurer leur compatibilité avec les aménagements prévus, et identifier les leviers de réduction de cette nouvelle demande. Ces projections, sous forme de scénario haut, servent notamment de base de travail au Réseau de transport électricité (RTE), lequel prévoit que les besoins supplémentaires nets du Grand Paris atteindront 2 200 MW en 2030. Quand on sait par ailleurs que l’Île-de- France représente aujourd’hui 15 % de la consommation nationale d’énergie mais ne produit même pas 10 % de l’électricité qu’elle consomme, on imagine à quel point anticiper la nouvelle demande et intégrer dès à présent les évolutions en amont est important pour en assurer l’approvisionnement électrique.

ERDF a listé les nombreux défis que le réseau électrique devra ainsi relever afin d’accompagner la transition énergétique, parmi lesquels «faire face à une complexité croissante du système et à la nécessité de davantage d’intelligence dans les réseaux» pour intégrer entre autres les énergies renouvelables et leur intermittence ; assurer la fiabilité et la sécurité d’alimentation ; encourager la sobriété énergétique auprès des consommateurs ; tenir compte des évolutions technologiques, notamment en termes de stockage ; maîtriser la puissance de pointe et gérer les effacements.

Il faudra porter une attention particulière aux besoins électriques afin de garantir le passage de la pointe: « En Île-de-France, la dynamique électrique est marquée par une forte sensibilité thermique des “pointes”, pour lesquelles la demande est évaluée à 330 MW/°C, du fait du chauffage électrique. L’efficacité énergétique, et en particulier la rénovation énergétique des bâtiments, priorité de la transition énergétique, doit contribuer à atténuer ce phénomène », avertit Julien Assoun, chef du service énergie, climat, véhicule de la DRIEE.

Une consommation diffuse

L’électricité spécifique a cette caractéristique de recouvrir un ensemble de consommations multiples, floues, et qui représentent à l’échelle individuelle un moindre enjeu financier. On trouve parmi les postes de consommation concernés:

  • les “produits blancs”, petits et gros électroménagers,
  • les “produits bruns”, appareils audio et vidéo,
  • et enfin “les produits gris”, appareils de télécommunication et multimédia. On peut y intégrer l’éclairage.

Pour Nicolas Houdant, gérant de l’entreprise Énergies Demain, «l’électricité spécifique est le parent pauvre de la maitrise de la demande en énergie», et les consommations liées aux usages spécifiques de l’électricité ne s’amenuiseront pas d’elles-mêmes. L’étude des tendances passées montrent en effet une croissance continue des consommations depuis les années 90, d’environ 10 TWh par an, malgré la saturation des taux d’équipements, l’amélioration croissante des performances énergétiques des produits et la mise en place d’un système d’étiquetage européen. Dans cette optique, les comportements individuels occupent une place centrale en tant que vecteur majeur d’économies.

Énergies Demain a par ailleurs accompagné plusieurs communes qui souhaitaient agir sur leurs consommations en électricité spécifique (telles que Vitrolles, Montdidier), et met en lumière le besoin initial de connaissances et d’un travail sur les données pour suivre et identifier les dysfonctionnements. En ce sens, Christian Vives, directeur d’ERDF Paris a précisé qu’«une dynamique a été enclenchée de la part des collectivités locales et acteurs socio-économiques territoriaux pour partager les données et passer de données de masse à des données plus détaillées, tout en respectant les questions de confidentialité.»

Hypothèses des besoins supplémentaires liés au Grand Paris

Anticiper les besoins et renforcer les réseaux

Transporteurs et distributeurs d’énergie ont identifié plusieurs leviers pour honorer les futurs besoins électriques du réseau du Grand Paris, tout en respectant les objectifs climatiques de la Ville et du territoire. La production d’EnR est limitée en Île-de-France (7 % de sa consommation), et c’est pourquoi la DRIEE estime qu’il faudra assurer le maintien de la production électrique locale à proximité du tissu urbain. Pour RTE, le challenge réside dans l’acheminement d’une part croissante d’électricité renouvelable vers le Grand Paris depuis les installations offshore prévues à Fécamp et Courseulles-sur-Mer.

La nécessité première est donc de préserver et de renforcer le réseau électrique existant, ainsi que d’achever le schéma de raccordement aux renouvelables. «Ce que nous avons à préparer demain pour assurer la soutenabilité électrique de la Métropôle Paris, ce sont 19 postes de transformation très haute tension et 15 000 km de réseau supplémentaires, ainsi que le déploiement de 7 millions de compteurs Linky, rappelle Christian Vives. Comme la construction d’un poste de transformation très haute tension nécessite une anticipation de 6 à 8 ans selon la disponibilité de fonciers, ERDF et RTE, en relation avec la préfecture de région, ont réalisé un travail de territorialisation des besoins de puissance : il est indispensable d’identifier précisément les zones sur lesquelles il faudra agir pour augmenter la capacité d’alimentation du réseau.»

Enfin, il faudra également avoir recours à l’effacement, en cas de déséquilibre entre l’offre et la demande d’électricité, d’autant plus que, comme la loi Nome a introduit un intéressement financier de l’opérateur d’effacement (il sera rémunéré en fonction de la quantité d’énergie effacée) dès 2015, celui-ci deviendra un marché privé rémunérateur. Pour RTE, il reste à savoir qui, des industriels et des consommateurs, sera prêt à s’effacer.

* Communément tous les équipements qui ne fonctionnent pas autrement qu’avec de l’électricité.

Pauline Petitot

Le cas des datacenters

Les datacenters, ces bâtiments hébergeant un nombre prolifique d’équipements informatiques, sont au nombre de 150 en France, dont plus d’un tiers est situé en Île-de-France. Avec le Grand Paris, il faudra compter 1 000 MW de puissance supplémentaire pour faire fonctionner ces infrastructures. En tant que moyen de mutualisation des équipements, ils permettent de réaliser des économies d’échelle par rapport à des serveurs disséminés chez les clients, mais l’Alec de Plaine Commune(93), sensible aux problématiques de consommation de ces bâtiments, puisqu’elle en accueille une quinzaine sur son territoire (et 4 sont en construction), alerte sur la possibilité d’un “effet rebond” : «Les datacenters représentent 2 % de la consommation électrique mondiale, précise David Leicher, ingénieur conseil de l’Alec Plaine Commune. Entre 2000 et 2010, la consommation des datacenters a augmenté de 235 %, contre 41 % pour la consommation d’électricité mondiale.» Aujourd’hui, plusieurs solutions d’optimisation de ces consommations électriques sont envisagées (voir Énergie Plus n°528), notamment en partant du fait que l’électricité consommée par les équipements informatiques est presque entièrement transformée en chaleur. En effet, entre 30 et 50 % de l’énergie nécessaire au datacenter sont destinés au refroidissement des serveurs, qui doivent être maintenus à température constante. Des réflexions sont donc engagées sur l’optimisation de l’utilisation des serveurs et une meilleure gestion de la ventilation. Une étude menée par l’Alec Plaine Commune suggère aussi de prendre en compte l’énergie grise du bâtiment ainsi que celle liée au remplacement des équipements, et d’augmenter la température de refroidissement.

Article publié sur apc-paris.com

Source de l'article : Source : Energie Plus n°536- 1er décembre 2014 – p26-27

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