ENR : L’Eolien marin a le vent en poupe

2595 Dernière modification le 02/11/2016 - 09:45
ENR : L’Eolien marin a le vent en poupe

Le Ministre de l’Ecologie Ségolène Royal vient d’annoncer la création de deux fermes pilotes d’éoliennes offshore flottantes qui rejoindront les 6 champs éoliens offshore posés, d’ici 2020. Des projets qui répondent à l’objectif fixé lors du Grenelle Environnement d’atteindre les 6000 MW d’éoliennes offshore. Mais à quel stade de développement se trouve l’éolien en France ? Eléments de réponses avec Yves-Hervé De Roeck, directeur général de France Energies Marines.

Où en sommes-nous de l’éolien marin en France? Pouvons-nous atteindre l’objectif fixé pour 2020 ?

Yves-Hervé De Roeck : Aujourd’hui, à la suite de deux appels d’offre, nous en sommes à l’attribution de six champs éoliens offshore posés, soit 80 à 100 machines par champ disposées sur la Manche et la façade Atlantique. Fin juillet, la Ministre de l’Ecologie Ségolène Royal a annoncé l’attribution de deux fermes (des sites pilotes comprenant cinq à huit éoliennes) pour de l’éolien offshore flottant en Méditerranée et en Atlantique. Les choix techniques les plus importants ont été faits, mais Il faut encore affiner toutes les solutions : d’implantation, de raccordement… et les enquêtes publiques se poursuivent. Les deux fermes pilotes allouées sont des fermes à base d’éolienne flottante unitaire de 5 à 6 MW qui vont nous permettre de tester toutes les incidences de l’implantation, de mettre en réseau de 5 à 7 machines, de tester l’exploitation et la maintenance de ce type de machines.

Yves-Herve De Roeck, directeur general de France Energies Marines

Yves-Herve De Roeck,
directeur général de
France Energies Marines

Quel est l’avantage de l’éolien offshore comparé au terrestre ?

Y.-H. D. R. : Les champs offshore sont plus vastes qu’à terre avec des machines plus puissantes. Avec un vent plus constant, cela constitue tout l’avantage d’aller chercher l’éolien offshore car on y rencontre moins de difficultés pratiques en l’absence de zone habitée. Bien sûr, il y a des critères à respecter liés au trafic maritime, aux espaces protégés et aux zones de pêche, même si en France l’aménagement des six zones offshore n’interdira pas la pêche.

Au niveau énergétique quelle surface peut alimenter un champ de 80 éoliennes ? Est-ce à l’échelle d’un quartier, d’une ville ?

Y.-H. D. R. : Les champs représentent l’équivalent d’une puissance totale de 500 MW, chaque machine distribuant 6 à 8 MW. Si nous prenons l’expérience des champs éoliens offshore de Mer du Nord et si nous tenons compte du facteur de charge lié à une production d’électricité par intermittence, la production du champ de Saint-Brieuc, si on l’étale sur toute l’année, pourrait fournir l’équivalent de l’énergie consommée par la ville de Rennes.

Cette solution de production d’électricité, c’est plutôt une bonne nouvelle pour la Bretagne qui doit supporter des coupures d’électricité fréquentes ?

Y.-H. D. R. : Effectivement, la Bretagne est « une péninsule énergétique », c’est-à-dire une zone de consommation où il y a peu de production électrique. Suite à l’annonce de Ségolène Royal, une ferme flottante va s’implanter au large de Groix, en complément d’un champ posé plus important dans la baie de Saint-Brieuc. Il est intéressant de rapprocher les sources de production des lieux de consommation, ne serait-ce que parce que le transport d’électricité génère de la dissipation (une perte d’énergie, NDLR) donc c’est mieux si la production est la plus locale possible.

Les communes avoisinantes peuvent-elles s’opposer à l’implantation d’éoliennes offshore ?

Y.-H. D. R. : Des consultations sont organisées par l’Etat, mais la décision finale ne revient pas aux communes comme pour une implantation terrestre, puisque le domaine public maritime appartient à l’Etat. Toutefois les communes voisines à l’implantation d’éoliennes offshore peuvent bénéficier d’une taxe économique prélevée à leur bénéfice en fonction de plusieurs critères dont l’aspect paysager, notamment.

eolien-marin

Quelles sont difficultés rencontrées sur les éoliennes offshore posées et flottantes ?

Y.-H. D. R. : A ce jour, s’il y a une telle différence entre l’éolien offshore posé et le flottant, c’est parce qu’il y a une différence de maturité technologique. En Europe, il y a 11,5 giga watts posés en production, répartis sur 82 champs et fermes, dans 11 pays. Nous disposons donc d’un bon retour d’expérience sur l’éolien offshore posé. En revanche, en ce qui concerne les éoliennes offshore flottantes, seulement 5 unités prototypes ont été testées dans le monde : en Norvège, au Portugal, au Japon et aux USA, le tout avec des machines de 2 MW. Concernant la maintenance, pour une éolienne offshore posée, l’accès aux machines se fait en mer. Les pièces de remplacement sont héliportées ou apportées par navire spécialisé. Par ailleurs, une attention particulière est portée à la corrosion des nacelles en filtrant l’air pour s’assurer qu’il n’y ait pas d’air salin. Sur l’éolien offshore flottant, l’avantage est qu’en cas de grosse réparation, nous levons les ancres pour ramener l’éolienne au port et la réparer dans un dock au sec.

Au niveau des tarifs, on sait que l’écologie est une démarche volontaire, est-ce que les Français vont accepter de payer un surcoût ?

Y.-H. D. R. : Aujourd’hui, le marché de l’électricité est certes un marché en surproduction, mais il faut expliquer le « Pourquoi » de ce surcoût qui serait encore plus grand si nous continuons à faire appel aux seules énergies fossiles.

Il faut comprendre comment nous réalisons la transition énergique avec de nouveaux moyens de production à base d’énergies renouvelables. Par exemple, le dernier appel d’offre du gouvernement néerlandais, pour un champ éolien posé raccordé au continent par une infrastructure publique, a permis d’obtenir d’un opérateur un coût du mégawattheure juste un petit peu au-dessus de 70 euros, sachant que le nucléaire, est à 60 euros. Le coût de la production électrique non raccordée de l‘éolien offshore posé devient donc clairement concurrentiel. Même si attention, il faut ajouter à ce tarif le prix du raccordement qui se situe autour de 15 à 20 euros par MW et comprend le coût des stations où va se concentrer toute l’alimentation, le prix des câbles qui sont très chers et peuvent demander de la maintenance…

Pour l’éolien flottant, les coûts actuels sont amenés à baisser car nous en sommes encore au stade de l’expérimentation pour ensuite pouvoir se développer à une échelle industrielle beaucoup plus vaste. Rappelons-nous qu’à une époque encore proche, le coût de l’énergie solaire se situait entre 250 et 300 euros le MW. Or les perspectives qu’ouvre l’éolien offshore sont le déploiement de vastes unités de production, avec une expansion moins limitée que celle rencontrée par l’éolien ou les centrales photovoltaïques terrestres.

Est-ce que l’éolien offshore va permettre de créer de nouveaux emplois ?

Y.-H. D. R. : Sur l’éolien terrestre, tout le monde a constaté que les industriels leaders sont majoritairement allemands et danois. Malgré tout, concernant certains segments de la chaîne de valeur pour la construction et bien entendu l’exploitation, nombre d’entreprises françaises sont aujourd’hui concernées par le développement de l’éolien terrestre. Concernant les perspectives d’emploi sur l’éolien offshore, l’usine Alstom GE de Saint-Nazaire vient d’annoncer au mois de juillet l’exportation de 5 turbines pour le premier parc éolien offshore posé construit aux USA, au large de Rhode Island. Et sur les six champs déjà alloués à des consortia, la fabrication des machines devrait se faire en France par Alstom-GE et Adwen-Areva avec des volumes très importants. En ce qui concerne l’éolien flottant, grâce à cette initiative des fermes pilotes, la France se montre très ambitieuse. Le marché en France et à l’international est considérable, or les deux technologies retenues sont des technologies françaises conçues par DCNS/Alstom General Electrics et Ideol/Bouygues (plateforme en béton flottant). Nous travaillons également sur les énergies marines renouvelables en général : éolien, hydrolien et l’énergie thermique des mers. Autres secteurs contribuant au mix énergétique, il y là d’autres marchés qu’il faut savoir considérer et qui seront aussi porteurs d’emplois.

Article publié sur Mondial du bâtiment
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