BIM : quelles attentes pour les acteurs de la construction?

Rédigé par

Philippe NUNES

DG

9628 Dernière modification le 07/03/2016 - 17:28
BIM : quelles attentes pour les acteurs de la construction?

Par Didier Balaguer, dirigeant de datBIM - Source: www.xpair.com

Le présent propos relate la synthèse des travaux du groupe de travail Pôle Innovations Constructives sur la thématique : BIM : quel catalogue pour les produits de construction ?

Sa lecture est intéressante pour connaître les attentes de l’ensemble de la filière construction pour faire du BIM une approche globale améliorant sa qualité et sa productivité en répondant aux défis de la construction durable tout en facilitant la collaboration entre tous les acteurs.

1. PROJET DU GROUPE DE TRAVAIL DU SECTEUR

Bertrand Delcambre Président du Plan Transition Numérique dans le Bâtiment(PTNB)a remis le 02/12/2014 son rapport à la Ministre Sylvia Pinel présentant son plan d’actions pour généraliser le BIM dans le bâtiment. Les fabricants et producteurs de la filière bâtiment auront l’obligation de rendre leurs catalogues interopérables pour enrichir le BIM à l’horizon 2017 et notamment à contribuer à la livraison du dossier d’ouvrage exécuté sous forme de maquette numérique pour les ouvrages publics.

Le comité de normalisation AFNOR PPBIM (Propriétés Produits pour le BIM), constitué en Octobre 2012 à la demande de l’AIMCC (Association française des industries des produits de construction) et de Mediaconstruct, a travaillé à l’élaboration d’une norme d’harmonisation des dictionnaires de propriétés (XP P 07-150) publiée en Janvier 2015. Les travaux sont repris au sein du comité de normalisation européen créé pour transposer les normes ISO relatives au BIM en Europe (CEN TC 442).

Dans ce contexte de préparation à la généralisation du BIM, le Pôle Innovations Constructives s'est doté d'un groupe de travail réunissant architectes, bureaux d’études, économistes, entreprises, énergéticiens, fabricants, maîtres d'ouvrage, organismes de formation, organismes de recherche, recycleurs et Astus Construction.

Cette collaboration a pour objectif d’impliquer les adhérents dans la gestion des obligations réglementaires à venir relatives au BIM et de les accompagner dans cette évolution.

Les objectifs du groupe de travail sont entre autre d’agir de manière concertée au sein de notre réseau pour contribuer à la généralisation du BIM et de permettre aux fabricants (y compris PMI) de fournir des données exhaustives et à jour pour répondre aux objectifs du PTNB de préparer la généralisation du BIM à l’horizon 2017.

Le plan d'action retenu est le suivant :

  • Identifier les outils, méthodes utilisées actuellement par les fabricants pour gérer la définition et la diffusion de leurs données produits (catalogue).
  • Analyser comment les maîtres d'œuvre travaillent actuellement avec ces éléments pour bâtir leur solution de construction tant en phase de conception que de réalisation
  • Définir comment gérer le passage pour les fabricants entre leur catalogue et les logiciels BIM et comment s'accorder avec les maîtres d'œuvre et entreprises pour faciliter ce transfert, du fait notamment de l'obligation légale à venir
  • Enfin voir comment accompagner le transfert de ces éléments pour la gestion des bâtiments aux maitres d'ouvrage

2. CONTEXTE DU BIM

Le BIM (Bâtiment Information Modélisé) comprend une méthode de travail collaboratif et l’usage d’outils numériques interopérables qui permettent de « construire le bâtiment virtuel » avant de construire le bâtiment réel puis de fournir le DOE (Dossier Ouvrage Exploitation) sous forme numérique pour en faciliter son exploitation sur toute sa durée de vie jusqu'à sa démolition. Il permet également une transmission de l’information et une collaboration accrue entre les acteurs de l’acte de construire de l’amont à l’aval d’un projet sans perte d’information.

Objectifs et enjeux :

  • Fluidifier les échanges entre acteurs d'un projet
  • Garantir le respect des réglementations
  • Réduire les coûts des malfaçons et les délais de recettes
  • Réduire les coûts d'exploitation des ouvrages sur la totalité de leur durée de vie
  • S’inscrire dans les enjeux de la transition énergétique

Le Plan de Transition Numérique du Bâtiment (PTNB)

Bertrand Delcambre, ancien président du CSTB et président actuel du Plan de Transition Numérique du Bâtiment (PTNB) a remis en Décembre 2014 à l’ex-Ministre du logement, Sylvia Pinel, son rapport présentant les perspectives de gains liés à l’usage du numérique dans le bâtiment. Le Plan Transition Numérique dans le Bâtiment, issu de ce rapport, s’est mis en place début d’année 2015, et il vise à « mobiliser et à accompagner la filière du bâtiment à prendre rapidement le virage du numérique en déployant des actions opérationnelles qui fédèrent les initiatives, capitalisent l’existant et créent les conditions d’un bénéfice partagé pour l’ensemble de la filière ». 

Mission Numérique Bâtiment : la proposition de Plan d’actions – Synthèse et extraits

  • Convaincre et donner envie à tous les acteurs, et notamment aux maîtres d’ouvrage
  • Répondre aux besoins d’équipement et de monter en compétences numériques des acteurs, notamment des TPE/PME
  • Développer des outils adaptés à la taille de tous les projets :

- Développer des bibliothèques d’objets BIM « on the cloud » permettant aux TPE/PME une utilisation légère du BIM comme un service (BIMaaS) à travers des tablettes et des machines d’entrée de gamme sans avoir besoin d’installer des licences spécifiques. On privilégiera pour ce faire un cloud souverain français.
- A l’instar des travaux menés sur les « objects libraries » dans différents pays, et en conformité avec les travaux menés sur le plan national dans le cadre de la norme expérimentale NF XP P07-150, rendre facilement accessible l’information sur les composants et systèmes constructifs provenant de différents industriels.

  • Installer la confiance dans l’Écosystème du Numérique Français

- Il faudra alimenter les maquettes numériques des informations sur les matériaux, produits et équipements de construction dans des formats utilisables par tous les fabricants et négociants présents sur le marché français (environ 7 000 enseignes)
- Il faudra « nourrir » la maquette numérique d’informations indispensables aux professionnels : en particulier les données relatives aux matériaux et produits de construction doivent être disponibles dans des formats les plus standardisés possibles et compatibles avec les différents stades des projets; la maquette numérique doit pouvoir être renseignée, d’abord de manière générique puis de plus en plus précise par les caractéristiques des matériaux et produits de construction qui permettront aux ouvrages d’atteindre les performances requises

3. EXPRESSION DES BESOINS PAR TYPE D'ACTEURS DE LA CONSTRUCTION

Le groupe a donné lieu à 7 réunions de travail entre le 17 Mars 2015 et le 3 Décembre 2015 regroupant tous les acteurs de l’acte de construire et d’exploiter l’ouvrage jusqu’à sa déconstruction : architecte, économiste, BE, entreprise, fabricant, maître d’ouvrage, énergéticien, recycleur …

Il en ressort l’expression des besoins par acteur et le tableau de synthèse suivant :

Les besoins sont variés en fonction des acteurs et de la phase du projet. L’idée forte qui ressort de cette analyse est que le format de structuration de l’information doit être évidemment ouvert et accessible à tous les usages. La géométrie est une donnée importante mais qui doit rester un attribut optionnel au même titre que toute autre donnée utile au dimensionnement, à la description et l’exploitation de l’ouvrage.

Zoom sur le « recycleur » !

Contexte à l'origine de l’expression de besoin :

  • Loi sur la Transition Energétique et Croissance Verte et obligations réglementaires en découlant pour l'ensemble des acteurs du BTP:

- Valoriser 70% en poids des déchets générés par le BTP

- Favoriser en premier lieu le réemploi, réutilisation et valorisation matière avant d'envisager la valorisation énergétique au travers de projets d'économie circulaire.

- Article 93 : obligeant les négociants en matériaux à compter du 01/01/2017 de mettre en œuvre des solutions pour valoriser les déchets produits à partir des matériaux et produits mis sur le marché

  • Focalisation essentiellement sur la réduction des dépenses énergétiques au travers de labels et certifications ne laissant qu'un rare espace à la notion de recyclabilité des déchets et du bâtiment en lui-même
  • Des dépenses de gestion de déchets toujours plus croissantes dans le cadre de la réhabilitation et de la démolition de bâtiments par manque d'anticipation et de réflexion sur le cycle de vie d'un bâtiment. Il devient donc impératif de travailler sur le cycle de vie du bâtiment et ce dès sa conception. La pertinence du choix des produits, matériaux et modes opératoires ne devra pas se faire uniquement au travers de filtres techniques existants mais également environnementaux intégrant une notion de recyclabilité du bâtiment et des déchets qu'il génère au long de sa vie. Ce dernier critère influe grandement sur le critère économique du bâtiment tout au long de son cycle de vie. Le BIM, en tant que fournisseur potentiel de la carte vitale du bâtiment et de son aspect collaboratif, et le PTNB constituent la meilleure voie pour rendre réelle et opérationnelle cette nouvelle exigence environnementale. Considérant l'objet générique comme un outil d'aide à la conception, disposant de propriétés pertinentes et variables nécessaires aux entreprises dans leurs choix de produits, matériaux et modes opératoires pour répondre aux exigences du projet, il faudrait que soit intégré au même titre que des critères techniques (thermiques, acoustiques), dimensionnels et économiques :

- une exigence de recyclabilité au sens "capacité à être recyclable" dans la définition de l'objet générique.

- un critère de performance technique de recyclabilité dans les fiches catalogues des fabricants. Cela nécessite la mise en place d'un travail collaboratif sur ce sujet pour définir ensemble un référentiel pertinent et simple pouvant déboucher sur une labellisation ou une normalisation.

4. PROCESSUS D'ENRICHISSEMENT DES OBJETS AU COURS DU PROJET

Marché conception-réalisation

Marché lots séparés

Le groupe de travail s’est accordé sur la production de ces 2 schémas pour représenter le processus collaboratif d’enrichissement des objets composant l’ouvrage. 

La granulométrie de l’information est évolutive en fonction de l’avancement du projet. Elle conditionne de ce fait le format de description des bibliothèques d’objets génériques et des catalogues de produits des fabricants. Pour répondre à ce besoin, le format adapté est de type arborescent.

5. BIBLIOTHÈQUES "D’OBJETS GÉNÉRIQUES"

Définition: Dans le processus BIM, les objets "génériques" sont utiles en phase définition et servent en quelque sorte de cahier des charges du produit ou du système constructif à fournir pour la réalisation de l'ouvrage. Ils sont indispensables pour travailler en conformité avec la loi MOP où la marque des produits ne peut être retenue qu'en phase exécution une fois l'entreprise choisie. Celle-ci choisit et achète le produit qu'elle installe en engageant sa responsabilité. 

Un objet "générique" peut également représenter un produit ou système constructif sans marque, porté par une filière comme par exemple le mur en parpaings creux en béton 20 x 20 x 50 cm. Il n'est pas directement rattaché à une marque et peut être fabriqué par différents producteurs. 

A ce terme d'objet "générique", peuvent être rattachées ainsi différentes significations. Nous nous sommes employés ainsi dans ce groupe de travail à clarifier cette terminologie et à rédiger la définition suivante :

Objet générique : objet général pouvant générer différents types d’objets enrichis d’exigences fonctionnelles et/ou programmatiques et /ou paramétriques (techniques, géométriques, esthétiques …).

Processus de transition Objets génériques - Objets fabricants

Organisation globale

L’usage du numérique permet de relever le défi de la construction durable en passant d’une logique d’engagement de moyens à celle d’engagement de résultat. 

Le BIM facilite les recherches multicritères si les données sur les ouvrages et produits sont structurées et facilement accessibles. 

Les classifications permettent de regrouper des objets de même nature pouvant faciliter ces recherches tout en assurant la fluidité entre objets virtuels génériques et produits réels de fabricants.

6. PRÉCONISATIONS

  • Les objets génériques comme outil d’aide à la conception sont demandés par la maîtrise d’œuvre comme support d'échange au travail collaboratif. Ils permettent de fixer les exigences. Les entreprises pourront ainsi choisir les produits en tenant compte des exigences portées par les objets génériques spécifiques au projet. Les fabricants pourront répondre à ce besoin en structurant leur catalogue pour faciliter la transition générique-produit fabricant.
  • Les objets génériques nécessitent de disposer de propriétés pertinentes par famille de produits
  • Les bibliothèques ou catalogues d'objets devraient être à granulométrie d’information variable pour répondre aux différentes phases du projet de l’esquisse au dossier d’ouvrage exécuté (DOE), réutilisable en phase d'exploitation.
  • Le BIM doit permettre à l'ensemble du secteur de la construction de progresser sans induire de distorsion entre les acteurs. Les acteurs jugés légitimes par le groupe de travail pour construire cette bibliothèque d’objets génériques sont les principaux utilisateurs à savoir la maîtrise d’œuvre et les entreprises. Un langage commun doit être adopté pour décrire les exigences portées par les objets génériques et les propriétés des produits fabricants dans le but de faciliter la coopération et la fluidité des échanges.
  • Le groupe de travail a défini les facteurs clés du succès pour l’élaboration et la maintenance d’une bibliothèque d’objets génériques qui sont :

- Le BIM pour tous
- L'interopérabilité entre les bibliothèques et les logiciels métier ainsi qu'entre les bibliothèques élaborées par les filières
- L'interopérabilité entre les bibliothèques d'objets génériques et les catalogues des fabricants
- L'indépendance des bibliothèques d'objets génériques vis à vis des acteurs
- La pérennité dans le temps de ces bibliothèques d'objets génériques
- La maîtrise des délais pour être opérationnel en 2017
- L'intégration des compétences métiers dans l'élaboration initiale et les évolutions à venir

7. CONCLUSIONS : PERSPECTIVES À VENIR POUR LES ACTEURS DU BÂTIMENT

La transition numérique est une formidable opportunité adressée au secteur de la construction pour relever le défi de la transition énergétique, de la réduction des déchets et donc de construire, rénover et exploiter durablement. L’amélioration de la collaboration entre les acteurs représente un gisement de qualité et de productivité important à même de pouvoir financer les investissements utiles à la mise en œuvre de la nécessaire interopérabilité des outils et contenus numériques.

Le risque identifié serait que la technologie crée une barrière pour certains acteurs. L’un des enjeux que le Plan de Transition Numérique du Bâtiment Français a intégré dans sa feuille de route est justement d’entraîner tous les acteurs dans ce projet y compris les plus modestes comme les artisans ou les petites structures de la maîtrise d’œuvre.

La transition numérique apportera les bénéfices escomptés aux maîtres d’ouvrage et à la collectivité si et seulement si tous les acteurs du secteur de la construction progressent ensemble et se mettent en capacité d’échange, de partage et de contribution à l’œuvre collective numérique. Médiaconstruct inscrit son action dans la réalisation de ce projet en devenant le lieu d’échanges entre les acteurs de la construction Française et de mutualisation de ressources utiles au déploiement du BIM pour tous, ensemble, grâce à l’usage de formats ouverts.

Téléchargez la note de synthèse complète

Par Didier Balaguer
Dirigeant de datBIM, administrateur Mediaconstruct - Membre de la CN Afnor PPBIM. Animateur GT BIM du PIC

Sources et liens

datBIM développe le premier catalogue structuré selon les principes de la norme PPBIM, destiné à être connecté de manière universelle et notamment à l’international.

Partager :